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Tag Archives : transcendance

La neuvième symphonie de Beethoven, un chant à l’humanité

La Neuvième Symphonie composée par Beethoven (1770-1827) – dont on célèbre le 250e anniversaire de sa naissance –, est une œuvre monumentale considérée comme l’une des plus grandes symphonies musicales de tous les temps. Elle marque le triomphe de la joie et de la fraternité sur le désespoir, et prend la dimension d’un message humaniste et universel.

Wagner raconte dans ses mémoires que ce qui l’a décidé à devenir musicien fut d’entendre la Neuvième Symphonie de Ludwig van Beethoven (1777-1827) au cours d’un concert lorsqu’il était jeune homme. L’impact émotionnel que cela lui provoqua fut tel qu’à partir de ce moment il ne voulut plus être – selon ses propres mots – que « Beethoven ou rien ».
Pour lui, Beethoven représentait « le modèle idéal du musicien qui a élevé l’esthétique au rang du sublime, la libérant des anciennes formes conventionnelles et créant une musique valable pour tous les temps, puisqu’elle exprime les aspirations les plus hautes et intemporelles du genre humain ».
Pour Schopenhauer, qui considérait la musique comme la forme pure du sentiment, Beethoven représentait le plus haut sommet de la pensée musicale, au-dessus même de Bach et de Mozart.

Un jour, Beethoven avoua à Johann A. Stumpff, son ami, et constructeur de piano : « Lorsqu’à la tombée de la nuit je contemple le ciel avec étonnement, mon esprit s’envole au-delà des étoiles vers la source d’où jaillit toute œuvre créée et d’où doit encore couler toute nouvelle création … Ce qui doit atteindre le cœur doit venir d’en haut. Si ça ne vient pas de là, ce ne seront que des notes, un corps sans âme ».

Se transformer par la musique

Pour Beethoven, l’art, la musique, devaient avoir un caractère moral et transformateur. C’est pourquoi, lorsque Gœthe fond en larmes d’émotion en entendant sa musique, Beethoven lui écrit : « Mon cher ami, les vrais artistes ne pleurent pas. La musique doit mouvoir les esprits des hommes, pas les émouvoir ».
Beethoven lui-même a écrit dans son journal : « La musique ne change-t-elle pas quelque chose chez l’homme, quelque chose qui le fait se sentir différent, qui le rend plus humain ? Certainement, c’est ce qui se passe pendant le concert, mais, lorsqu’il sort dans la rue, la vie quotidienne l’engloutit à nouveau. Peut-être que le sentiment de sublimation que provoque la musique pousse cet homme à vouloir ressentir à nouveau la même chose dans sa vie quotidienne ; et il y parviendra tant qu’il agira avec compassion en suivant des normes morales. »

Avec sa musique, au-delà de l’impact émotionnel, non seulement il cherchait la beauté, mais à travers la beauté il essayait d’atteindre la vérité, la bonté, le côté le plus noble et le plus élevé de l’esprit humain, même si pour cela il a dû créer de nouvelles formes qui pouvaient exprimer ce qu’il ressentait au plus profond de son être, subordonnant la forme à l’idée, mais sans jamais rompre avec la tradition, qu’il respecta toujours et utilisa comme un socle solide sur lequel construire sa propre œuvre.

À l’ombre d’un géant

Aucun autre compositeur que Beethoven n’a peut-être suscité autant d’admiration et de respect, tant durant sa vie qu’après sa mort. Brahms a dit qu’il était très difficile pour lui de composer de la musique avec l’ombre d’un géant comme Beethoven derrière lui. Et dans l’œuvre gigantesque de Beethoven, aucune de ses créations n’a atteint une telle universalité que sa Neuvième Symphonie. Wagner la considérait comme la sublimation de l’art de Beethoven et le début d’un nouveau chemin dans l’histoire de la Musique et de l’Art.

La Neuvième Symphonie est le testament spirituel de Beethoven, le dernier message qu’il a voulu transmettre à l’Humanité, à ses semblables. Et même si, lorsque nous parlons de la Neuvième Symphonie, l’Hymne à la Joie vient immédiatement à l’esprit, c’est en fait le dernier mouvement, le point culminant de l’œuvre. Afin d’exprimer avec le plus de clarté possible le message qu’il voulait véhiculer, l’idéal d’une fraternité universelle entre tous les êtres humains au-delà de toute différence, il a utilisé la parole et la voix humaine, quelque chose d’inédit jusque-là dans une symphonie, comme s’il voulait concentrer l’attention sur l’être humain et pas simplement sur la musique comme quelque chose d’abstrait.

 La genèse de la Neuvième Symphonie

La genèse de la Neuvième Symphonie est peut-être la plus longue de toute la production du musicien. Beethoven a toujours admiré la poésie de Schiller et de Goethe. Il a utilisé ce dernier dans certaines de ses œuvres, mais il y avait un poème de Schiller qui l’avait fasciné dès son plus jeune âge: son Ode à la Joie.
Pendant trente ans, la pensée de Beethoven a tourné autour de ce poème et sur la manière de lui donner une forme musicale appropriée, digne des idées qu’il contient.

En 1817, la Société royale philharmonique de Londres, par l’intermédiaire du disciple de Beethoven, Ferdinand Ries, le chargea de composer une nouvelle symphonie. À ce moment-là, il avait déjà composé huit symphonies, mais certaines notes et croquis qu’il utilisera plus tard dans sa neuvième symphonie datent déjà de l’époque où il travaillait sur la septième et la huitième, en 1811.
Beethoven se mit à l’ouvrage et reprit l’idée de l’Ode à la joie de Schiller. En 1823, il avait déjà terminé les trois premiers mouvements, mais le quatrième fut celui qui lui coûta le plus et celui qui lui causa le plus de cassements de tête, surtout pour la manière d’introduire la voix humaine dans une symphonie, une chose totalement nouvelle et révolutionnaire, et pour lui donner une forme appropriée qui exprimerait vraiment la grandeur et la profondeur du message qu’il voulait transmettre avec le poème de Schiller.
Pour ce faire, il retoucha, d’une certaine façon, le poème original, puisqu’il ne l’utilisa pas dans son intégralité. Il fit une sélection et, de plus, il mit au commencement trois lignes de sa propre plume en guise d’introduction au propre texte de Schiller. Voici un petit extrait du texte utilisé par Beethoven :

 Joie, bel éclair des dieux,
Fille de l’Elysée !
Ivres d’enthousiasme, nous entrons,
Déesse céleste, dans ton sanctuaire !
[…] Tous les hommes deviennent frères
Là où ton aile douce se pose.
[…] Joyeux comme les corps célestes
Qui transitent par leurs orbites
À travers l’immense espace sidéral,
Allez ainsi, frères, sur votre chemin,
Heureux comme le héros vers la victoire !
Embrassez-vous, millions de créatures !
Et que cette étreinte enveloppe le monde entier !
[…] N’aperçois-tu pas, monde, ton Créateur ?
Cherche-le au-dessus de la voûte étoilée,
Car il habite sur les étoiles !

 Les nombres de la Neuvième symphonie

L’œuvre commence mystérieusement avec des intervalles de quinte. Le cinq est un nombre lié symboliquement aux êtres humains. On le voit, par exemple, chez l’homme de Vitruve, encadré dans une étoile pentagonale, que Léonard a également utilisée. Ce mouvement se sert d’un rythme binaire, comme s’il voulait représenter la dualité, l’affrontement entre forces opposées qui se produit dans la vie de tout être humain. On voit cette dualité se refléter aussi dans les deux accords qui apparaissent soudainement, avec une connotation tragique, et qui se répètent tout au long du mouvement. Mais, à un moment donné, des groupes de trois accords apparaissent également, mais pas avec autant d’insistance. Le trois a toujours été symboliquement lié avec le spirituel. On le voit, par exemple, dans les triades de nombreuses religions comme l’égyptienne, l’hindoue ou la religion chrétienne elle-même avec la Sainte Trinité. C’est comme si le supérieur, le spirituel, voulait se frayer un chemin dans le monde, mais rencontrait une vive résistance. C’est la lutte éternelle de l’être humain.

Le deuxième mouvement utilise un rythme ternaire et commence par un groupe de trois accords qui se répète trois fois et qui se répétera à plusieurs reprises tout au long du mouvement. C’est comme si Beethoven voulait présenter une réalité différente, élevée, qui puisse nous inspirer dans notre lutte quotidienne dans le monde de la dualité, du manifesté, du concret. C’est comme s’il voulait que nous élevions notre regard au-dessus des petites choses du quotidien et de notre propre égoïsme, vers un monde supérieur. Tout ce mouvement a un caractère plus lumineux et optimiste que le précédent.

Le troisième mouvement a un caractère plus intime, plus lyrique, plus méditatif. C’est comme une réflexion profonde et sereine sur la vie, sur le destin, sur l’être humain lui-même, avec ses petitesses et ses grandeurs. Au milieu de cette méditation tranquille apparaît, à un moment donné, le groupe de trois accords, qui se répète plusieurs fois et de façon énergique, comme pour nous rappeler notre destin et comme s’il voulait élever nos pensées dans un chant d’espoir et de confiance dans ce monde supérieur.

Le quatrième mouvement commence sous la forme instrumentale et sur un mode un peu sombre, avec les violoncelles et les contrebasses. Aussitôt après, avec quelques brèves mesures de chacun des mouvements précédents, mais dans cette ambiance sombre, il fait un rappel et une récapitulation des idées qu’il a présentées jusqu’à présent, en préparation du message final qu’il veut transmettre. Soudain, apparaît la voix humaine, le baryton, qui nous dit : « laissons ces tons et entonnons des chants plus agréables et pleins de joie ». Et il crie « Joie ! » Et le refrain répond: « Joie ! » Et l’Ode à la joie commence, d’abord avec la voix soliste à laquelle s’ajoute ensuite le chœur.

Dans ce dernier mouvement, Beethoven a atteint les sphères du sublime comme peut-être aucun autre compositeur n’a pu le faire dans toute l’histoire de la musique. Et le plus curieux, c’est que lorsqu’il a composé cette symphonie, il était déjà complètement sourd. Ce fut peut-être l’un de ces paradoxes du destin pour qu’il puisse ainsi écouter une musique intérieure que les oreilles des hommes n’avaient jamais entendue; une musique immatérielle débordante de joie, de foi, de confiance dans les valeurs supérieures de l’être humain et d’espoir en un destin et un monde meilleur, plus beau et plus juste, où tous les hommes se sentent frères au-delà de toutes leurs différences.

Transcendance et universalité de la Neuvième Symphonie

L’œuvre fut exécutée le 7 mai 1824 et fut un succès absolu, même si Beethoven, déjà dans un état de santé très délicat et complètement sourd, n’a pas pu pas entendre les applaudissements du public, mais a pu ressentir son enthousiasme. Depuis lors, sa signification a été transcendée à un tel niveau qu’elle est non seulement devenue l’hymne officiel de l’Union européenne, mais qu’elle s’est transformée en un authentique symbole mondial utilisé par des personnages publics de toute idéologie.

Qu’il y-a-t-il dans la Neuvième Symphonie, qui a fait que des personnages aux idées si différentes et pour des raisons si disparates, aient été fascinés par elle, aient projeté sur elle leurs utopies et voulu se l’approprier ?
C’est peut-être l’universalité de son message qui transcende toutes les idéologies, parce que c’est un message qui s’adresse à l’essence même de l’être humain, aux valeurs intemporelles. Wagner lui-même était prêt à détruire toute la musique du passé à l’exception de la Neuvième Symphonie, convaincu que c’était le seul chant d’amour fraternel pour toute l’Humanité.

À l’occasion du 250e anniversaire de la naissance de Beethoven, je crois que le meilleur hommage qui puisse être rendu au compositeur est de dépouiller la Neuvième Symphonie et son Hymne à la Joie de toute connotation idéologique ou politique et d’aller à l’essence de son message, qui n’est rien d’autre qu’un hymne à la paix et à la fraternité universelle entre tous les êtres humains sans distinction, unis, non par des valeurs particulières ou égoïstes, mais par des valeurs supérieures et intemporelles, des valeurs spirituelles qui le dignifient en tant qu’être humain et le font rêver d’un monde meilleur, plus beau et plus juste.
Si cela pouvait s’accomplir, même dans une petite mesure, Beethoven sourirait depuis sa tombe, convaincu du pouvoir transformateur de l’Art dont il a toujours rêvé.

Extrait de la Revue espagnole Esfinge, octobre 2020
Site internet de la Revue Esfinge : https://revistaesfinge.com/
Lire l’article sur l’exposition Bourdelle devant Beethoven, page 21
par Fernando GEA

Sur Nouvelle Acropole France Facebook live

Beethoven, un destin héroïque (250e anniversaire de sa naissance)
par Benjamin Borhani, violoniste professionnel et formateur en philosophie pratique
Youtube : https://youtu.be/gK3CJn7mRgk
Facebook : https://www.facebook.com/nouvelle.acropole.france/live/

Un hommage à Beethoven, homme mystérieux et solitaire qui a marqué à jamais l’histoire de la musique. Sa musique a bouleversé son époque et continue à intriguer les compositeurs d’aujourd’hui. Elle a évolué de la virtuosité au tragique. Elle ose soulever des sujets comme la mort, l’héroïsme, et même le sens de l’existence de l’homme et du destin.
Des extraits de ses musiques seront diffusés pour mieux comprendre ce qu’il vivait à l’intérieur de lui, malgré sa surdité :
– Sonate pathétique pour piano, 1er mouvement (cette sonate qui montre la virtuosité de Beethoven dans sa jeunesse)
– Sonate Clair de lune, 1er mouvement (à ce moment, Beethoven se rend compte qu’il perd l’audition)
– Symphonie N°5, 1er mouvement (c’est l’appel de son destin)
– Quatuor à cordes opus 135 N°16, 3e mouvement, (Testament de Beethoven, une de ses dernières œuvres)
– Concerto pour piano N°5, appelé Concerto de l’empereur, 2e mouvement (un incontournable !)

 

  • Le 23 novembre 2020
  • Art
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Nicolas Poussin, L’Antiquité impose sa marque au message chrétien

Chez Poussin, le peintre philosophe donne sa grandeur à l’homme. Celle-ci n’en est pas moins soumise à la volonté divine.

Nicolas Poussin (1594-1665), peintre à la cour de Louis XIII en 1640-1642, est un représentant majeur de l’art classique français au XVIIe siècle. Fasciné par l’Italie, il a passé la plus grande partie de sa vie à Rome.
Dans la péninsule, il a acquis cette sagesse issue de l’Antiquité qu’il exprimera dans ses œuvres ; le stoïcisme, en particulier, l’a véritablement fasciné. Elle fut renforcée par sa lecture de Montaigne, chez qui elle était très présente. Tous ses tableaux témoigneront d’une foi intellectualisée et parfaitement sereine. Si Philippe de Champaigne (1), son contemporain, passe pour un peintre mystique, Poussin est un peintre philosophe car il veut éclairer intellectuellement la religion par la sagesse antique dont le christianisme est l’héritier.

Une conscience de sa valeur

C’est en 1650 que Nicolas Poussin fait son autoportrait à la demande de son ami Chantelou. L’art de l’autoportrait consiste à se poser une question sur soi-même. « Qui suis-je ? » se demande-t-on. « Je ne vous veux pas dire la peine que j’ai eue à faire ce portrait, de peur que vous me croyiez que je le veuille faire valoir » (1) écrivait l’artiste à Chantelou. « Je me suis tourné vers moi-même et je me suis dit   » Mais toi qui es-tu ?  » » (2) dit Saint Augustin dans ses Confessions. Vient ensuite la réponse que l’on donne à cette question.

Dans son portrait, le peintre a exprimé ses principes et, philosophe, s’est d’abord représenté sur le plan humain. Son visage, à moitié laissé dans l’ombre, exprime sévérité et force d’âme. Il tient dans les mains un carton rempli de dessins, image de l’excellent dessinateur qu’il est devenu. Il se détache comme en relief par rapport aux tableaux à l’arrière-plan. Dans toutes ses toiles, ses personnages semblent sortir du tableau, une façon de montrer la place éminente que l’artiste accorde à la volonté humaine. Telle est la grandeur de l’homme dont est devenu parfaitement conscient Nicolas Poussin.

Mais ce dernier n’est pas resté cantonné dans les seules affaires de ce monde. Une volonté de transcendance est chez lui affirmée par la présence derrière lui d’une image montrant une jeune femme portant un diadème, tenue de manière affective par deux mains. Le personnage est la muse de la peinture. Ce rappel de l’Antiquité est mis en relation par l’artiste avec les préoccupations spirituelles de son temps. Les deux mains maintenant la muse expriment l’amour et l’amitié, deux valeurs fondamentales témoignant de son amitié pour Chantelou. Ces deux sentiments sous-tendent une grande part de l’œuvre de Poussin et manifestent en lui son intérêt pour le stoïcisme antique. « Si on me presse de dire pourquoi je l’aimais, je sens que cela ne peut s’exprimer, qu’en répondant : Parce que c’était lui, parce que c’était moi » (3) disait sur l’amitié Montaigne, très marqué par le stoïcisme. L’œil placé au centre du diadème représente l’âme du peintre éclairée par Dieu.

L’homme magnifié par la nature

Le stoïcisme de l’artiste est également présent dans ses paysages. Les stoïciens pensaient que le monde était une puissante harmonie répondant à un ordre parfait et, dans ce contexte, visaient à promouvoir la toute-puissance de la volonté humaine. « La vraie liberté c’est de pouvoir toute chose sur soi » (4) disait Montaigne. Le bonheur ne pouvait être atteint que dans le désir de vivre en conformité avec la nature. Aussi, Poussin conçoit-il toujours ses paysages animés par l’homme.

L’une de ses toiles exprime ce rapport idéal entre l’homme et la Création, Paysage avec les funérailles de Phocion (1648). Par son caractère inéluctable, la mort donne un sens à la vie humaine.
L’artiste y montre le corps d’un homme d’État porté par deux esclaves. Phocion était un général athénien du IVe siècle avant Jésus Christ, qui bien qu’il ait été contraint de faire la guerre toute sa vie, ne demandait que la paix pour sa patrie. Accusé d’intelligence avec les Macédoniens, il fut injustement condamné à mort. Montrant son cadavre, Poussin a voulu témoigner de l’insignifiance de la condition humaine. Chacun est soumis aux caprices de la fortune ; nul n’est maître de son destin. L’artiste s’est attaché à exprimer cette résignation en montrant les hommes vaquant à leurs occupations, indifférents au sort de l’illustre défunt.
Un message d’espérance n’en est pas moins adressé par l’artiste et il semble que toute la nature donne un caractère de joie atténuant la tragédie. Le regard chemine lentement du premier plan vers un ciel azuré.
C’est ainsi que dans Les funérailles de Phocion, ce caractère ineffable du destin est dépassé dans la mesure où Poussin lui a substitué la foi en la providence. « Nous n’avons rien en propre, nous tenons tout à louage » (5) disait-il.

Entre l’homme et la nature existe un échange et l’on ne peut être que frappé par la stabilité des bâtiments intégrés au paysage. « Tout se mêle et se distingue sans peine ; tout s’unit et fait corps » (6) fait dire Fénelon à Poussin. On trouve deux tendances chez notre artiste. D’une part, dans la mesure où Dieu s’est fait homme, il veut donner à ce dernier toute sa grandeur ; d’autre part, il veut exprimer le contraste entre la majesté de la nature et la fragilité de la créature.

La mort sanctifiée par la grâce

Dans un autre de ses tableaux, l’artiste a accordé une plus grande force au rôle détenu par la mort dans la relation avec le divin, Les bergers d’Arcadie (1655), exposé au Louvre.
Il s’agit d’un Memento mori, une vanité, un tableau visant à nous faire entrevoir que la mort viendra inévitablement conclure les vies les plus heureuses. L’Arcadie passait traditionnellement pour être le lieu d’une vie champêtre idyllique. Poussin nous montre quatre personnages rassemblés près d’une pierre tombale, s’interrogeant sur une inscription, Et in Arcadia ego, « Moi (la mort), je suis aussi en Arcadie ». Chaque personnage est autonome par rapport aux autres. Seul, leur intérêt pour l’inscription les réunit dans une méditation silencieuse. La science des attitudes, caractéristique de Poussin, exprime leur humanité. L’artiste « sculpte » des positions de manière très significative.

Ce parfait équilibre culmine dans l’attitude de la femme à droite, personnage allégorique représentant le destin. Elle met le bras sur son voisin dans une volonté d’apaisement. « Quelle importance, semble-t-elle lui dire, la mort n’est qu’un passage ». Seul élément féminin, le personnage évoque les prophétesses antiques ayant reçu le don de divination. Quelle que soit la dimension humaine des œuvres de notre artiste, toujours Dieu manifeste Sa puissance. C’est la grâce qu’incarne cette femme, témoignage de la providence maintes fois exprimée par le peintre, une grâce muette mais qui n’en communique pas moins sa force aux contemplateurs de l’œuvre.

L’œuvre de Poussin est marquée par le sentiment du destin. En même temps, il a su exprimer en l’homme la sensibilité à la beauté de la nature, l’intelligence et l’action qui suppose le travail. « Tu es libre, mais il faut faire attention », c’est le message qu’il nous délivre. Le destin présent dans Les bergers d’Arcadie exprime l’humanité illuminée par la divinité.

(1) Lire article sur Philippe de Champaigne dans revue Acropolis N°273 (avril 2016)
(2) Nicolas Poussin, Lettres et propos sur l’art. Paris : Hermann, 1989, Lettre à Chantelou, Rome, 19 juin 1650, page 157
(3) Saint Augustin, Les confessions. Paris : Gallimard, 1998, Livre X, VI, 9, p.987
(4) Michel de Montaigne, Essais, Livre 1er, Chapitre XXVIII
(5) Ibidem, Essais, Livre III, chapitre II
(6) Colette Nativel, Poussin et sa culture de l’antique d’après sa correspondance, dans Bayard et Fumagalli, 2011, pages 328-329
(7) Fénelon, Dialogue des morts. Cité dans Paul Jamot, Les funérailles de Phocion par Poussin au musée du Louvres. Paris : Gazette des Beaux-arts, 1921, page 326
Bibliographie :
Milovan Stanic, Poussin Beauté de l’énigme, Éditions Jean-Michel place, 1994
Nicolas Milovanovic, Mikaël Szanto, Poussin et Dieu. Louvres éditions, 2015
Par Didier LAFARGUE

  • Le 29 octobre 2019
  • Art
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La spiritualité n’est pas un luxe

Quoi de mieux pendant nos vacances que d’élargir nos horizons, dilater notre esprit pour gagner en conscience ? Le dernier livre (1) de l’astrophysicien Trinh Xuan Thuan nous offre l’opportunité de retrouver dans nos mémoires et d’expérimenter l’alliance éternelle entre l’Homme et le Cosmos.

Dans sa « brève histoire du ciel », il décrit avec simplicité, clarté et poésie, l’extraordinaire odyssée de la relation à l’espace que nous avons tissée depuis des millénaires, d’abord en le sacralisant, ensuite en le désacralisant, et aujourd’hui, en le redécouvrant dans son intime sacralité.

« J’avancerai toutefois la thèse, que le Ciel avait pris son caractère sacré, grâce au sentiment d’émerveillement, lié au sentiment de transcendance que la nature suscite en chacun de nous.  Non en vénérant des dieux et en érigeant des bâtiments bien sûr, mais en redécouvrant et en précisant notre ancienne alliance avec le Cosmos : l’homme est l’enfant des étoiles et l’univers a été réglé de façon extrêmement précise depuis son début pour permettre notre apparition. »Tout en nous expliquant de façon très pédagogique la théorie de la relativité, il nous rappelle que pour autant, tout n’est pas relatif.

Parfois mal expliquée au grand public par la presse, cette théorie fut associée dans nos imaginaires non seulement à l’idée de perte du temps et de l’espace absolus, mais aussi à la perte de la moralité et de la vérité, nous faisant penser que tout se vaut. Mais Albert Einstein  lui-même a toujours été horrifié de l’amalgame fait entre la notion de « relativité » et celle de « relativisme », et donc du rejet des valeurs morales.

« La relativité est plutôt fondée sur une notion d’invariabilité (invariance de la vitesse de la lumière) que sur la perte de certitudes. […] Elle repose sur des constantes : celle de la vitesse de la lumière et celle de lois physiques dans l’espace-temps ».

Il nous rappelle à l’humilité : « Malgré toutes nos connaissances, nous n’avons pour l’instant aucune idée de la nature de 95 % du contenu de l’univers ». C’est probablement cette modestie devant l’infiniment grand et l’infiniment petit qui permet à l’auteur de nous amener au-delà des apparences visibles à nous poser la question du sens de l’univers et de notre propre place. C’est dans ce sens qu’il intègre sous la forme du pari de Pascal (2), la dimension de la spiritualité comme compagne de route de la science. Il est très précis.

Les champs d’action de la science et de la spiritualité sont complémentaires mais pas identiques. Si la science a pour but la compréhension du monde des phénomènes, elle s’avère incapable « de nous conférer les qualités humaines nécessaires pour guider notre utilisation du monde ».
Il insiste en soulignant que face aux problèmes éthiques et moraux qui se font de plus en plus pressants sur notre planète (destruction de la biodiversité, réchauffement climatique, manipulation génétique…), c’est la spiritualité qui peut nous éclairer dans nos choix moraux et éthiques afin que nos connaissances et nos actions servent le bien de tous.

« La spiritualité n’est pas un luxe, mais une nécessité. La science peut fonctionner sans la spiritualité, la spiritualité peut exister sans la science. Mais l’homme, pour ne pas perdre son humanité, a besoin des deux. »

(1) Vertige du Cosmos, une brève histoire du Ciel, Trinh Xuan Thuan, Éditions Flammarion, Collection sciences, 2019, 464 pages, 21,90 €
(2) Argument tentant d’expliquer l’intérêt de croire en Dieu, qu’il existe ou non. Si Dieu n’existe pas, le croyant et le non croyant ne perdent rien ou presque. Si Dieu existe, le croyant gagne le paradis tandis que le non croyant est enfermé en enfer pour l’éternité
Par Fernand SCHWARZ
Président de la Fédération Des Nouvelle Acropole

  • Le 29 juin 2019
  • Editorial
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