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Tag Archives : autonomie

Mythe et éducation des adolescents 

À l’adolescence, le physique se transforme et c’est à ce moment que les polarités se manifestent de façon concrète. Mais la polarité sexuelle n’est pas la seule à s’établir : toutes sortes de dualités se mettent en place. C’est l’âge auquel un individu commence à acquérir son autonomie et commence à penser par lui-même.

« Penser », étymologiquement, veut dire « peser ». Par la pensée, l’homme « pèse » ses perceptions et ses idées, construisant un édifice de connaissance selon ses sensibilités affective et intellectuelle. Cependant, « peser » suggère deux termes, deux « poids » à comparer. Ainsi en est-il de la pensée qui s’échafaude à partir de la reconnaissance des dualités qui structurent notre monde.

Vivre le mythe et faire son unité

Or nous savons que les dualités induisent des oppositions qui peuvent être mortifères. Il est donc nécessaire, pour que l’adolescent devienne adulte, que ces oppositions – fort utiles pour penser – trouvent le chemin d’un dépassement. Les contraires doivent devenir complémentaires.
C’est précisément l’objet du mythe et de la pensée symbolique de sortir des schémas de pensée dualistes pour réaliser un dépassement des contradictions. Les mythes mettent en scène des héros qui incarnent le camp du « bien » contre celui du « mal » mais, au fur et à mesure des épreuves, le héros se rend compte que l’ennemi extérieur qu’il combat n’est que le reflet de l’ombre qui s’étend en lui. Après une descente aux enfers, il renaît à sa propre lumière et devient un « bâtisseur de cités » : il crée de l’harmonie parmi les hommes en les fédérant autour d’un idéal.

Fécondité des mythes grecs

Pour l’éducation des adolescents, les mythes les plus puissants sont généralement les plus anciens. Il y a une bonne raison à cela : si ces mythes ont traversé les siècles, c’est qu’ils portent en eux une sagesse qui a fait ses preuves et qui ne se dénature pas avec le temps. Cela n’interdit pas, bien entendu, de choisir des imaginaires plus modernes, mais toujours l’éducateur doit se poser la question des modèles archétypaux – c’est-à-dire inspirateurs pour le développement des vertus – que présente tel ou tel univers mythologique. L’expérience nous a amenés à choisir systématiquement des mythes grecs, car ils sont à la racine de notre culture européenne et leur pertinence pour illustrer les mécanismes de la psyché humaine n’est plus à démontrer. Persée, Thésée, Jason, Ulysse, Héraclès… Chaque rencontre s’organise autour de l’une de leurs épopées.

Le caractère masculin des héros doit être explicité : c’est l’aspect « actif » du personnage héroïque qui compte (le côté « yang » diraient les Orientaux). En effet, ces mythes s’adressent aussi bien aux filles qu’aux garçons car il s’agit avant tout de révéler, en chaque être humain, une posture « active » face à la vie. En général, les filles ne s’offusquent pas du caractère masculin des héros choisis, car elles comprennent de façon naturelle la valeur universelle des symboles. En outre, les mythes grecs mettent en scène des personnages féminins auxquelles elles peuvent s’identifier, la figure d’Athéna couronnant le tout avec majesté. Par ailleurs, le côté « yin » de l’éducation par les mythes n’est pas à négliger, comme nous le verrons par la suite, pour les garçons aussi bien que pour les filles.

 

Dans une rencontre, toutes les activités se rattachent à l’imaginaire, des grands jeux jusqu’à la participation aux tâches de la vie collective. L’art du formateur s’exprime pleinement dans sa capacité à faire des liens entre une action concrète et un symbole qui lui confère un sens supérieur. Ce « sens » a rapport à l’évolution consciente de l’adolescent dans son processus d’appropriation de sa propre identité. L’adolescent se ressent généralement, même s’il a du mal à le formuler ainsi, comme une sorte de « monstre », un être en métamorphose à mi-chemin entre l’enfant et l’adulte, d’où sa récurrente détresse. Le fait de l’immerger entièrement dans le mythe lui permet de mettre des images sur son vécu intérieur, l’aide à faire la distinction entre le héros qu’il aspire à devenir et la créature déconcertante qu’il perçoit dans un miroir.

Esprit de victoire et soirée d’épreuves

Une rencontre d’une semaine culmine toujours avec une soirée d’épreuves. Ces épreuves sont nécessairement individuelles – à la différence des grands jeux, des exercices psycho-pratiques et de la participation aux tâches collectives qui se font le plus souvent en équipes. L’épreuve est individuelle car nous restons, nous les humains, au-delà de nos interactions sociales, des êtres fondamentalement individués dont l’évolution consciente repose sur l’appropriation de notre autonomie. Cette soirée est complexe à organiser, surtout avec les groupes nombreux car les adolescents doivent se succéder les uns aux autres sur le parcours d’épreuves. Toutefois, la patience – et même l’ennui ! – font partie de l’épreuve. Il est préférable de faire passer les épreuves en commençant par l’adolescent le plus âgé, en réservant la plus longue attente et le plus fort impact psychologique à celui qui découvre ce type d’initiation pour la première fois.

Comme dans la tradition des Mystères de l’Antiquité, toutes les ressources de l’art théâtral et des effets spéciaux sont mises en œuvre. Le but de cette soirée d’épreuves est en effet de marquer durablement la conscience de l’adolescent afin qu’il perçoive, à travers des symboles en actes, la flamme héroïque qui brûle en lui. À aucun moment, bien sûr, il ne s’agit de faire courir le moindre risque à l’adolescent mais les épreuves doivent être suffisamment exigeantes pour que la peur d’échouer se manifeste. Le niveau de difficulté de chaque épreuve est à adapter, en temps réel, par le formateur qui en a la responsabilité. Le juste équilibre est trouvé lorsque la peur d’échouer est ressentie et dépassée par l’esprit de victoire.

Dans une soirée d’épreuves, tous les « plans » doivent être sollicités : le physique, bien entendu, en termes de force, d’agilité et d’endurance, mais aussi l’émotionnel et le mental. Selon notre expérience, la trame qui fonctionne le mieux est la suivante.

Révéler la flamme héroïque

Les adolescents se lancent tour à tour sur le parcours d’épreuves en commençant par le plus âgé. Les autres attendent dans une salle en faisant des créations artistiques en rapport avec le mythe.
Les épreuves commencent par une prise en charge « yin ». Une figure féminine incarnée par une formatrice rappelle l’adolescent à son intériorité. Cette figure peut être Ariane dans le mythe de Thésée, Médée dans le mythe de Jason, etc.
L’adolescent enchaîne ensuite des épreuves à caractère « yang », généralement menées par des formateurs.
Des mises en scène sont placées sur son chemin pour l’effrayer. L’obscurité de la nuit est indispensable à ce moment pour créer une ambiance et dissimuler les « ficelles » du décor.
Les épreuves culminent avec l’affrontement d’un monstre à forte valeur symbolique (Méduse, Minotaure et Chimère incarnent par exemple la peur, la brutalité et la fantasmagorie).

La clôture se fait avec une énergie « yin » qui rappelle à nouveau à l’intériorité. Une figure féminine accueille l’adolescent victorieux pour lui faire vivre un rituel où il se purifie symboliquement des souillures accumulées sur le sentier et s’identifie à son statut de héros.

Cette pédagogie initiatique, inspirée par les traditions anciennes, peut sembler en décalage avec les temps modernes. Notre expérience montre toutefois à quel point ces épreuves sont bien vécues par les jeunes et leur confèrent, en très peu de temps, une confiance en eux que des approches plus prosaïques et rationnelles sont incapables de susciter. Le bizutage dans les universités d’aujourd’hui constitue assurément un détournement de ces pédagogies initiatiques. Elles se transmettent sous des formes de plus en plus agressives et dénuées de bienveillance parce que la philosophie qui les accompagnait est passée au second plan. Plutôt que de renoncer à ces approches éducatives, nous pensons qu’il est urgent de les revitaliser en interrogeant, à la source, le sens des mythes pour l’évolution humaine.

par Fabien AMOUROUX

  • Le 24 décembre 2020
  • Éducation
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Rite de sortie de l’adolescence : la deuxième Porte 

La deuxième Porte marque la fin de l’adolescence, la sortie du groupe JANUS à 18 ans et l’entrée dans le monde du jeune adulte.

Le passage comporte deux parties, au cours de la même journée. Dans  un premier temps, un travail de réflexion, fondamental pour une prise de conscience de ce qu’ils sont en train de vivre et de ce qui les attend. Dans un deuxième temps, le passage proprement dit de la deuxième Porte.

Échanges et réflexion

  • Au cours d’une rencontre des Janus sortants avec le responsable Janus, un tour de table donne lieu un dialogue à partir des questions suivantes
    – Quels sont tes  deux meilleurs souvenirs de Janus ?
    – Qu’as-tu appris à Janus ?
    – Imagine-toi dans 10 ou 20 ans : comment te vois-tu en adulte ?
    Cet échange vise à une prise de conscience en permettant de mettre en évidence pour chacun les points marquants, ce qu’il retient de son passage à Janus, les difficultés rencontrées et la manière dont il se projette dans l’avenir.
  • Suit un travail collectif suffisamment approfondi pour établir, à partir des échanges, les différences entre un adolescent et un adulte. L’objectif est de leur donner envie de devenir adulte, dans un monde où cela ne va pas toujours de soi ; en les amenant à prendre conscience que le véritable adulte est autonome – avec ce que cela implique – et qu’il accepte les contraintes de la vie quotidienne non par démission ou parce qu’il a renoncé à ses rêves mais pour mieux pouvoir les incarner et les concrétiser.

Passage et intégration des Janus au monde des jeunes adultes

L’un après l’autre, chacun est introduit, individuellement, les yeux bandés, debout, dans un espace qu’il ne peut situer. Il répond alors aux questions suivantes, posées alternativement par les adultes présents :
– Qui es-tu ?
– Que veux-tu garder de ton adolescence ?
– Que retiens-tu de ton passage à Janus ?
– Quelle est la qualité principale de l’adulte que tu voudrais devenir ?
Il est ensuite invité à enlever son bandeau. Il découvre alors la pièce où il se trouve, l’assistance aux question de laquelle il a répondu. Chacun est félicité et tous sont invités à participer à un toast porté en leur honneur.

Témoignages

« Je me souviens, raconte Aglaé, de l’attente : un moment où nous devions rester en silence. Je savais que je devrais un jour quitter Janus et le moment était venu.
Je me suis sentie intimidée quand on m’a demandé : « Qui es-tu ? » Il m’a paru difficile de répondre mais je savais qu’on s’adressait à mon être intérieur et depuis ce jour la question me trotte dans la tête et m’aide à me visualiser meilleure.
Aujourd’hui, avec du recul, je comprends mieux le sens des Portes. Je sens mon enfance rythmée par des symboles et des questionnements. Passer les portes était une victoire et je me sentais fière d’avancer. J’ai compris que chaque moment de l’enfance est important et surtout j’ai découvert que nous avons une flamme intérieure. »

323.rite adolescent.devenir adulte.jpgQuant à Alex, il nous dit : « Le deuxième et dernier rite de passage de Janus, la sortie et potentielle transition pour le groupe des jeunes adultes, est très différent du premier. Beaucoup plus simple. J’ai éprouvé une sensation de « mission accomplie » grâce à la reconnaissance et aux félicitations des autres. On comprend que ça devient sérieux et qu’on a juste à pousser la porte pour faire enfin partie des « grands » et agir comme tel.
À la fin de ce rite, un moment m’a beaucoup marqué. Léo nous a amenés dans ce qui m’avait l’air d’être une ancienne petite chapelle. Nous étions qu’entre gars. Léo nous a parlé de l’amitié, de notre chemin en tant qu’hommes, etc. Ses paroles ont comme d’habitude fait mouche puisque nous avions tous les larmes aux yeux au bout de quelques minutes ! Un grand moment avec des amis pour la vie qui rapproche et marque à jamais ! »

À la suite de ce passage, les jeunes sont invités à rejoindre, s’ils le souhaitent, un groupe de jeunes adultes, dont ils ont déjà fait la connaissance lors de leurs séjours Janus.

par Marie-Françoise TOURET

 

  • Le 27 octobre 2020
  • Éducation
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Réponse à Luc Ferry : la folie du spinozisme

Selon le philosophie Baruch Spinoza (1632-1677), tout serait inscrit dans le plan de Dieu, tout serait déterminé sans la moindre liberté possible. Qu’en est-il exactement ? Luc Ferry fait le point sur le sujet dans un article paru dans le Figaro.

Le 5 mars 2020, Le Figaro a publié un article de Luc Ferry sur le déterminisme de Spinoza (1). Il en fait la critique en prenant l’exemple d’un film. Le spectateur qui le verrait pour la première fois pourrait avoir l’illusion que les personnages sont libres, que leurs choix font bifurquer l’intrigue à chaque instant. Mais il ne faut pas être dupe : le scénariste et le metteur en scène ont tout prévu depuis le début et il n’est pas de bifurcation possible. Ainsi en serait-il du monde selon Spinoza : nous éprouvons des émotions de haine et de colère parce que nous croyons que les choses peuvent être autres qu’elles sont, mais en réalité, tout est inscrit dans le plan de Dieu, tout est déterminé sans la moindre liberté possible.

La liberté : une illusion ?

Le déterminisme de Spinoza est l’un des plus radicaux qui soit, c’est une évidence. Néanmoins, la critique qu’en fait Luc Ferry est tellement simpliste qu’elle ne permet pas de creuser la question. En finissant son article de cette façon : « Je n’ai jamais compris comment un adulte intelligent pouvait adhérer à ces fables plus de trois minutes », Luc Ferry cède à un penchant habituel chez lui : le désir de satisfaire un large public en vulgarisant à outrance une pensée complexe. Il y a quelques années, l’un de ses exposés sur Nietzsche avait provoqué chez moi la même réaction : il ridiculisait l’idée nietzschéenne d’amor fati – l’amour inconditionnel de son destin – en prenant l’exemple d’un déporté à Auschwitz… ce en quoi on serait tenté de dire : « mais oui bien sûr, c’est idiot ! » Le même sort est réservé à Spinoza avec son célèbre déterminisme.

Ne pas céder aux interprétations simplistes

Essayons maintenant de sortir des clichés. Qu’on soit ou non d’accord avec une idée philosophique n’empêche pas de la questionner honnêtement pour en tirer le meilleur enseignement possible. Cela est certainement possible, avec une idée en apparence aussi radicale que celle du déterminisme de Spinoza, quand on sait que ce dernier a fait preuve toute sa vie, à son propre péril, d’un incroyable militantisme politique. Si tout est écrit d’avance, si on ne peut rien changer à la trame des événements, comment se fait-il que Spinoza ait défendu avec passion les valeurs républicaines dans un siècle miné par l’intolérance et l’obscurantisme ? – Son déterminisme n’est certainement pas le déterminisme caricatural que semble pointer du doigt Luc Ferry.

Comprendre le sens profond de la liberté

Spinoza est souvent considéré comme le père de la modernité politique : il a défendu la démocratie, la laïcité, l’égalité devant la loi, la liberté de croyance et d’opinion. On comprend dès lors que le déterminisme sur lequel il insiste tant ne peut se résumer à une sorte de détachement passif devant une succession d’événements inéluctables. À mon sens, Spinoza est un philosophe qui permet de penser en profondeur la liberté. Comme il l’explique dans l’Éthique, l’homme vulgaire croit qu’il est libre dans la mesure où il lui est permis d’obéir à l’appétit sensuel. Spinoza rejoint en cela la longue tradition philosophique qui incite les hommes à se placer au-dessus de leurs passions au nom d’une plus haute finalité. Mais contrairement à un philosophe comme Descartes qui conçoit une liberté absolue de l’homme en son for intérieur, Spinoza, de façon beaucoup plus modeste, rappelle que l’homme n’est pas « un empire dans un empire ». La volonté ne peut être appelée « cause libre », mais seulement « cause contrainte ». En clair, la liberté véritable n’est pas le libre arbitre cartésien, tout-puissant en son royaume, mais une voie de l’autonomie, c’est-à-dire la capacité à suivre sa propre loi, sa propre nécessité intérieure.

Le déterminisme ne nous prive pas de notre pouvoir

La liberté de Spinoza n’est pas une liberté « ex nihilo », mais un jeu subtil d’éclairages par lequel la conscience de l’homme fait la lumière sur telle ou telle impulsion interne pour en favoriser l’expression. Certaines impulsions sont de l’ordre de la « cause adéquate » et sont dites actives, car reposant sur une connaissance claire et distincte des choses, tandis que d’autres sont de l’ordre de la « cause inadéquate » et sont dites passives, car issues de perceptions incomplètes et confuses comme celles que déforment nos désirs. À aucun moment le philosophe ne dit qu’il n’y a rien à faire contre la succession inéluctable des événements. Dans l’Éthique, il affirme : « Aussi longtemps que nous ne sommes pas dominés par des affections qui sont contraires à notre nature, nous avons le pouvoir d’ordonner et d’enchaîner les affections du corps suivant un ordre valable pour l’entendement. » Ce mot qu’il utilise : « Nous avons le pouvoir », marque bien cette subtile contradiction – toujours féconde en philosophie – au sein de son déterminisme. Il dit en outre qu’il est « nécessaire de connaître la puissance et l’impuissance de notre nature, afin de déterminer ce que peut et ne peut pas la raison pour le gouvernement des affections. » Voilà, il me semble, l’enseignement le plus intéressant que l’on peut tirer du déterminisme de Spinoza.

Le pouvoir de la raison

La raison en l’homme n’est pas un souverain tout-puissant qui tiendrait lui-même les rênes de nos vies. « Le désir, nous dit Spinoza, est l’essence même de l’homme en tant qu’elle est conçue comme déterminée. » Notre seul « pouvoir », si l’on peut dire, c’est de braquer le projecteur de notre raison sur tel ou tel objet de nos sens internes ou externes pour favoriser l’expression de tel ou tel affect. Et c’est cet affect qui nous mettra en mouvement, qui changera le cours des choses. Ainsi, pour Spinoza, il ne s’agit jamais d’anéantir le désir, mais de l’orienter correctement. Il ajoute par ailleurs que «  une affection ne peut être réduite ni ôtée sinon par une affection contraire, et plus forte que l’affection à réduire. » En clair, on ne réduit pas la tristesse en se raisonnant, mais en faisant naître en soi la joie, on ne réduit pas la haine par une suite d’arguments logiques, mais en faisant naître en soi l’amour.

Pratiquer la vertu

C’est parce qu’il a soumis l’homme, Dieu et l’univers tout entier à une stricte nécessité, que Spinoza nous aide, mieux qu’aucun autre philosophe, à voir précisément le « point pivot » à l’intérieur de nous-mêmes sur lequel joue notre liberté. La marche à suivre pour gagner en liberté n’est guère différente de celle préconisée par les philosophes depuis la plus haute Antiquité : il s’agit de pratiquer la vertu. Toutefois, la vertu, sous sa plume, n’apparaît plus comme un renoncement, une privation comme l’affectionnaient les religions de son temps, mais une véritable « puissance de l’esprit ». La tempérance, la sobriété et la chasteté, quand elles sont pratiquées avec discernement, ne nous entravent pas. Au contraire, elles nous révèlent à nous-mêmes pour ce qui, en nous, est véritablement actif et libre. Actif, libre – et éternel.

Ce qui est déterminé par avance ne saurait être difficile

Spinoza conclut ainsi son Éthique : « Cela doit être ardu qui est trouvé si rarement. […] Mais tout ce qui est beau est difficile autant que rare. » N’est-il pas étrange de considérer que certaines choses sont ardues quand tout, d’un bout à l’autre de la longue chaîne des êtres, de l’infiniment grand à l’infiniment petit, obéit à un strict déterminisme ? Nous sommes face à un paradoxe, subtil, palpitant, qu’il nous appartient de laisser mûrir en nous pour ne pas céder aux opinions simplificatrices. Spinoza n’abolit pas la liberté. Bien au contraire, il la rend à son puissant mystère. Certes, son style rationaliste et sa méthode géométrique peuvent induire en erreur. Pour en tirer les meilleurs enseignements, il convient donc de lire son œuvre avec un esprit honnête, dépouillé de préjugés.

(1) Articles parus dans Le Figaro
https://www.lefigaro.fr/vox/societe/2018/03/07/31003-20180307ARTFIG00244-luc-ferry-le-spinozisme-sagesse-ou-folie.php
https://www.lefigaro.fr/vox/culture/luc-ferry-folie-du-spinozisme-2020030

Les citations de l’Éthique de Spinoza sont tirées de l’édition G.F Flammarion, traduction de Charles Appuhn 1965

par Fabien AMOUROUX

  • Le 26 septembre 2020
  • Philosophie
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