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Categories : Hommage à

Etty Hillesum, votre confidente

Etty Hillesum, est une jeune femme de 27 ans que nous découvrons à travers son journal intime. De 1941 à 1943, pendant que le monde est en guerre, Etty développe par l’écriture un dialogue intérieur qui l’amène à se dé-couvrir, s’accepter telle qu’elle est, et s’ouvrir avec autant de légèreté que de profondeur avec la réalité qui l’entoure. Cette relation aussi sincère avec elle-même peut nous inspirer à regarder en nous-même avec plus de clarté.

Etty Hillesum a une âme combattante.
« Mes combats se déroulent sur un théâtre intérieur et contre mes démons personnels ; lutter au milieu de milliers de gens effrayés, contre les fanatiques qui veulent notre mort et allient la fureur à une froideur glacée, non, ce n’est pas pour moi. […] Je suis capable de porter sans succomber ce fragment d’histoire que nous sommes en train de vivre. Je sais tout ce qui se passe et je garde la tête froide. » (1)

Le contexte de la vie d’Etty est important. Etty est une jeune femme juive pendant la seconde guerre mondiale. Fille d’un père néerlandais juif et d’une mère russe, elle obtient en 1939 une maîtrise de droit. Douée en langues et en lettres, elle a toujours été attirée par la psychologie et rêve de devenir écrivaine. Le 3 février 1941, Etty Hillesum entreprend une thérapie avec un psycho-chirologue reconnu, Julius Spier, élève et collègue de Carl Gustav Jung. Sur ses recommandations, Etty entame la rédaction d’un journal intime à partir du 9 mars 1941 dans lequel elle dévoile avec courage ses peurs, ses combats intérieurs et confie ses prises de conscience et ses moments de paix intérieure.

Julius Spier, juif également, devient son maître à penser, son accoucheur d’âme (2). Elle veut voir plus clair en elle, quand l’Europe, elle, sombre dans l’obscurité. Ce journal intime est un support de son travail intérieur, son champ de bataille. Face à l’horreur autour d’elle, Etty répond par l’urgence de s’écouter elle-même : « Être à l’écoute de soi-même. Se laisser guider, non plus par les incitations du monde extérieur, mais par une urgence intérieure » (3).

Pour Etty, dans cette époque tourmentée, il était nécessaire de combattre la haine : « Je partirai en guerre contre cette haine » (4). Bien que cette décision ait été douloureuse au départ, elle intègre le Conseil Juif, et accompagne les déportés comme « aide sociale aux personnes en transit » dans le camp de Westerbork, où elle y fera plusieurs séjours avant d’être elle-même déportée à Auschwitz avec ses parents et un de ses deux frères. Elle y meurt le 30 novembre 1943. Avant sa déportation, elle confia ses carnets à une amie, qui nous permettent aujourd’hui d’aller à sa rencontre.

Écrire, une rencontre avec soi-même

« Qu’importe le pathétique, je dois tout noter comme je le sens, et quand j’aurai ainsi évacué tout le pathétique, tout l’hyperbole, je me rapprocherai peut-être enfin de moi-même. » (5)
En réponse à la violence extérieure, Etty cultive la compassion comme seule voie vers la paix. Cette démarche spirituelle lui permet de garder le sens de la vie. Cette volonté d’indépendance du monde extérieur révèle une grande force d’âme très inspirante pour une époque comme celle que nous traversons depuis l’arrivée de la COVID-19. Comme elle l’écrit, « Il faut savoir comprendre cette époque comme on comprend les gens ; après tout c’est nous qui faisons l’époque. » (6) L’enjeu de son journal est d’aller à la rencontre d’elle-même : « notre unique obligation morale est de déchiffrer en nous-mêmes de vastes clairières de paix et de les étendre de proche en proche, jusqu’à ce que cette paix irradie vers les autres. » (7)

Comment trouve-t-elle de « vastes clairières de paix » en elle quand tout est si chaotique autour d’elle ?
Elle s’isole pour se retrouver avec elle-même, et prend ce temps pour « se recueillir en soi même » (8). C’est une démarche d’introspection dans laquelle elle ne se retrouve plus que face à elle-même pour « vaincre [ses] réticences et livrer le fond de [son] cœur à un candide morceau de papier quadrillé. » (9) En ouvrant son cœur et en cherchant en profondeur le sens à ce qu’elle vit, elle fonde en elle « un amour très fort de l’humanité » (10).
« Créer au-dedans de soi une grande et vaste plaine, débarrassée des broussailles sournoises qui vous bouchent la vue, ce devrait être le but de la méditation. Faire entrer un peu de Dieu en soi, comme il y a un peu de Dieu dans la Neuvième de Beethoven. Faire entrer aussi un peu d’ « Amour » en soi, pas de cet amour de luxe à la demi-heure dont tu fais tes délices, fière de l’élévation de tes sentiments, mais d’un amour utilisable dans la modeste pratique quotidienne. » (11)

Dans ses écrits, Etty dialogue avec le souffle de vie et d’humanité en chacun de nous qu’elle nomme Dieu. N’étant pratiquante d’aucune religion, c’est un Dieu libéré de toute tradition. Aller à la rencontre de Dieu, c’est aller à rencontre de soi. « Il y a des gens, je suppose, qui prient les yeux levés vers le ciel. Ceux-là cherchent Dieu en dehors d’eux. Il en est d’autres qui penchent la tête et la cache dans leurs mains, je pense que ceux-ci cherchent Dieux en eux-mêmes. » (12)
C’est avec une grande lucidité, et courage, qu’Etty ose rentrer en relation avec elle-même en décidant de « [s’efforcer] de ne pas perdre contact avec ce cahier, c’est-à-dire avec [elle]-même » (13). Le dialogue intérieur devient le moyen pour elle de nourrir sa vie intérieure et de gagner la paix en elle-même.

Introspection, voie vers la paix intérieure

Nous pouvons distinguer 3 étapes de cette quête de la paix intérieure qui sont : Voir, Accepter, Se libérer (14).
  Voir
« On a parfois le plus grand mal à concevoir et à admettre, mon Dieu, tout ce que tes créatures terrestres s’infligent les uns aux autres en ces temps déchaînés. Mais je ne m’enferme pas pour autant dans ma chambre, mon Dieu, je continue à tout regarder en face. » (15)

Confronté aux difficultés, la tentation de fuir la réalité est grande. Au début de son journal, Etty commence par noter avec lucidité ses irritations, ses agitations, ses pulsions et apprend à les s’observer sans se juger et reconnait la douleur que ça représente de se voir composé d’une part d’ombre et de lumière. Pour garder la tête froide, elle s’évertue à prendre du recul, et de rester en lien avec sa part lumineuse pour conserver un regard d’amour et de bienveillance sur elle-même qui lui permet de regarder également avec amour et bienveillance son prochain.
Accepter
« Il faut apprendre à vivre avec soi-même comme avec une foule de gens. On découvre alors en soi tous les bons et les mauvais côtés de l’humanité. Il faut d’abord apprendre à pardonner ses défauts si l’on veut pardonner aux autres. C’est peut-être l’un des apprentissage les plus difficiles pour un être humain, je le constate bien souvent chez les autres (et autrefois je pouvais l’observer sur moi-même aussi, mais plus maintenant) que celui du pardon de ses propres erreurs, de ses propres fautes. »  (16)

Pour accepter, Etty souligne l’importance du pardon. Le pardon demande le détachement des personnes ou des choses pour laisser la beauté de la vie s’écouler. En acceptant de se voir progresser, Etty voit également plus loin que ses défauts et se voit grandir. Etty écrit : « Je veux seulement tenter de devenir celle qui est déjà en moi, mais qui cherche encore son plein épanouissement. » (17) Accepter d’être à la recherche de son plein épanouissement en soi-même, c’est accepter d’être le seul responsable de son épanouissement et d’y puiser le moteur de vivre face à toute situation.
  Se libérer
« Processus lent et douloureux que cette naissance à une véritable indépendance intérieure. Certitude de plus en plus ferme de ne devoir attendre des autres ni aide, ni soutien, ni refuge, jamais. Les autres sont aussi incertains, aussi faibles, aussi démunis que toi-même. Tu devras toujours être la plus forte. » (18)

Cette démarche intérieure de constater avec objectivité, puis d’accepter la réalité telle qu’elle est, donne naissance à la force intérieure de vivre par rapport à ses propres valeurs. Ceci permet de voir que toutes les réponses sont en elle. Elle illustre cela par l’idée que l’«en tout lieu de cette terre on est chez soi, lorsqu’on porte tout en soi. » (19)

Une femme qui porte un « amour très fort de l’humanité »

« Je suis une petite bonne femme de vingt-sept ans et je porte en moi aussi un amour très fort de l’humanité » (20).
Cette expérience spirituelle d’Etty est accessible en tout être en quête de paix intérieur.
« Une fois c’est un Hitler, une autre fois Ivan le Terrible par exemple, une fois c’est la résignation, une autre fois les guerres, la peste, les tremblements de terre, la famine. Les instruments de la souffrance importent peu, ce qui compte c’est la façon de porter, de supporter, d’assumer une souffrance consubstantielle à la vie et de conserver intact à travers les épreuves un petit morceau de son âme » (21).

Par son vécu intérieur, Etty a été capable de canaliser tout son amour de l’humanité vers un optimisme sans faille en l’Homme. En cela, c’est une guerrière pacifique dont le combat pour la paix, s’est d’abord déroulé à l’intérieur avant d’être à l’extérieur et dont l’arme a été un foi inépuisable pour la paix.

(1) Les écrits d’Etty Hillesum, Journaux et lettres 1941-1943, édition intégrale, Éditions du Seuil, 2008 – noté JEH, 14 juillet 1942, Cahier dix, page 683
(2) Sagesse concordante, Volume 1, Collectif, Éditions Accarias L’originel, 2011, page 333
(3) Faire la paix avec soi, 365 méditations quotidiennes, Etty Hillesum, Édition Points 2014, page 24
(4) JEH, 20 septembre 1942, Cahier onze, page 728
(5) JEH, Lundi 4 août 1941, Cahier deux, page 120
(6) JEH, 22 juillet 1942, Cahier dix, page 693
(7) JEH, 27 septembre 1942, Cahier onze, page 738
(8) JEH, 17 septembre 1942, Cahier onze, page 719
(9) JEH, 9 mars 1942, Cahier premier, page 34
(10) JEH, Lundi 4 août 1941, Cahier deux, page 119
(11) JEH, Lundi 8 juin 1941, Cahier premier, page 103
(12) JEH, 26 août 1941, Cahier deux, page149
(13) JEH, 22 mars 1941, Cahier premier, page 83
(14) Etty Hillesum, Sagesse concordante, Volume 1, Collectif, Éditions Accarias, L’originel, 2011
(15) Faire la paix avec soi, 365 méditations quotidiennes, Etty Hillesum, Édition Points 2014, page 114
(16) JEH, 22 septembre 1942, Cahier onze, page 728
(17) Etty Hillsum, Faire la paix avec soi, 365 méditations quotidiennes, Éditions Points 2014, page 30
(18) JEH, 21 octobre 1942, Cahier trois, page 204
(19) Etty Hillesum, Faire la paix avec soi, 365 méditations quotidiennes, Éditions Points 2014, page 35
(20) JEH, Lundi 4 août 1941, Cahier deux, page 119
(21) JEH, 10 juillet 1942, Cahier dix, page 672
par Camille LEFOUL

  • Le 23 février 2021
  • Hommage à
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Louise Weiss, muse de l’Europe

Louise Weiss (1893-1983) fut une femme d’influence. Journaliste, écrivain, féministe, elle s’est lancée dans la politique et a consacré sa vie à tous les combats du XXe siècle : la promotion de l’unité européenne, la défense des droits des femmes et la construction de la paix.

Agrégée de Lettres en 1914, Louise Weiss fonda la revue géopolitique L’Europe Nouvelle en 1918. À travers son métier de journaliste elle jouera un rôle majeur dans l’histoire démocratique française. Son journal devient porte-parole de la Société des Nations (SDN), organisation créée au moment de la ratification du Traité de Versailles (1). Elle défend ainsi la création d’une structure supra gouvernementale capable, selon elle, de rendre plus efficace les décisions des alliés.
Elle combat activement pour le droit civique des femmes car elle est convaincue que la présence de femmes dans les instances du pouvoir peut préserver la paix en Europe. Elle fait naturellement campagne pour le suffrage des femmes entre 1934 et 1936 : Sa connaissance du milieu médiatique et ses réseaux sont mis au service de la campagne et elle scénarise intelligemment ses différentes interventions.

Elle devient grand reporter, documentariste car elle veut « tout voir et tout savoir ».  Elle rend de tels services aux intérêts français et humains que le grade de Chevalier puis d’Officier de la Légion d’Honneur lui sont conférés en 1925 et 1934.

 Confidente de ceux qui ont fait l’Histoire…

Elle côtoie Aristide Briand, Anatole France, Paul Claudel, Georges Duhamel, Guillaume Apollinaire, Philippe Berthelot … « fait la guerre à la guerre », fonde en 1930 la « nouvelle École de la Paix » qui s’adresse à toute personne préoccupée par la construction européenne de la paix, et co-construit en 1975, à l’Université de Strasbourg, avec Gaston Bouthoul, l’institut de Polémologie (étude des guerres sous l’angle sociologique) qui essaimera ensuite dans plusieurs pays en l’Europe. Elle crée également la fondation « Louise Weiss » qui honorera toute personnalité ou institution ayant contribué à l’avancement des sciences de la paix et à l’amélioration des relations humaines en faveur de l’Europe (2).

… Doyenne du Parlement Européen…

Lors des premières élections européennes en 1979, elle sera élue au suffrage universel direct et deviendra ainsi à 86 ans, l’une des premières députées européennes. Elle en sera la doyenne de 1979 à 1983.
Son discours du 17/07/79 est resté dans les mémoires.
« Les étoiles du destin et les chemins de l’écriture m’ont menée à cette tribune pour y vivre, présidente d’un jour, un honneur dont je n’aurais jamais osé rêver et une joie, la joie d’une vocation de jeunesse miraculeusement accomplie .[…] Impossible de concevoir une Europe sans européens. Les institutions communautaires ont fait des betteraves, du beurre, des fromages, des vins, des veaux, voire des cochons européens ; elles n’ont pas fait d’hommes européens. Sauvegardons le bien le plus précieux à savoir notre culture et notre fraternité en cette culture. »

La crainte de Louise Weiss était que l’Europe ne soit qu’une techno-structure coupée des peuples. Son idéal d’Europe était une Europe des cultures et des peuples, soucieuse du respect des spécificités de chacun, en respectant l’attachement de chacun à son pays, à sa nationalité et en transcendant les frontières.
Reconnaissant l’apport fondamental de Louise Weiss à la cause de l’Europe, le Parlement européen décide de donner le nom de Louise Weiss à son principal bâtiment à Strasbourg, auparavant connu sous le nom d’IPE4.
Louise Weiss reste et restera un symbole inspirateur pour plusieurs générations de combat pour la paix, la liberté et la démocratie.

(1) Traité de paix signé le 28 juin 1919 entre l’Allemagne et les Alliés à l’issue de la Première Guerre mondiale. Il annonce la création de la Société des Nations (SDN), garante de la paix en Europe. Celle-ci sera remplacée en 1945 par l’Organisation des Nations unies (ONU)
(2) Prix Louise Weiss décerné à Helmut Schmidt, Simone Veil, Anouar El-Sadate…
par Sylvie GALISSOT et Dympna SWANTON

  • Le
  • Hommage à
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Catherine Zell, rebelle de Dieu

La Journée internationale des femmes ou Journée internationale des droits de la femme, promue par l’Organisation des Nations Unies depuis 1977, est célébrée le 8 mars dans de nombreux pays. Elle met en avant la lutte pour les droits des femmes et pour la réduction des inégalités par rapport aux hommes.
Dans le cadre de cette journée, nous rendons hommage à la Femme à travers des portraits de femmes de conviction et d’engagement qui ont mené à leur époque des combats et ont laissé des traces dans l’histoire.

Née à Strasbourg en 1497, aux prémices de la Réforme, Catherine Zell, née Schütz, est l’une des rares femmes de l’époque à faire entendre sa voix et faire parler d’elle en tant que théologienne engagée. Qui était donc cette femme surnommée la « Mère de l’Église » ?

Catherine reçoit une bonne instruction, apprend à lire et écrire le calcul, le latin et l’histoire, chose exceptionnelle pour une fille.  Son père, menuisier et échevin de sa corporation, est actif dans sa paroisse et possède une Bible, privilège normalement réservé au Clergé. Il en lit des extraits en famille.

La formation de son Idéal

Son idéal se développe en écoutant les lectures bibliques de son père et les sermons de Jean Geiler, prédicateur de la cathédrale, qui dénonce les excès de l’Église catholique et prône la diffusion en allemand de l’Évangile pour le rendre accessible au peuple.
Son successeur, Mathieu Zell, prêche le retour aux sources et à la pureté de l’Évangile : il critique la scolastique qui « déforme la parole de Dieu et la rend incompréhensible au peuple ». Ami des Schütz, il dîne chaque semaine avec eux et tient un cercle de lecture à la paroisse.

Catherine est fortement inspirée par les Béguines de Strasbourg qui pratiquent la tolérance et le secours aux pauvres. Elle se met à lire la Bible, d’abord l’Évangile de Marc, dans le but d’intégrer le cercle de lecture de Mathieu Zell qui l’impressionne beaucoup, et celle de Jean qui met en lumière le rôle essentiel des femmes comme Marie, Marthe et la Samaritaine, auxquelles elle s’identifie.
Elle lit aussi les écrits de Luther qui inspire les réformistes strasbourgeois. C’est à ces sources qu’elle développe son idéal de tolérance et de charité, auquel elle restera fidèle toute sa vie.

Mariage des prêtres

Au cercle de lecture, elle démontre que les femmes peuvent parler de théologie dans une époque où l’Église commence à peine à leur reconnaître une âme. Impressionné par son charisme, Mathieu Zell lui apporte son appui et la demande en mariage. Il suit ainsi l’exemple de Luther qui considère le célibat des prêtres inhumain et sans rapport avec les besoins du sacerdoce. Ce dernier les félicite de leur union, célébrée par Martin Bucer en 1523, alors que l’Église romaine les excommunie.

Soutenue par le peuple de Strasbourg, Catherine écrit alors une lettre publique à l’évêque pour défendre son mari, le mariage des prêtres et contester cette excommunication.
Elle continuera à affirmer son idéal en soutenant l’engagement pastoral de Mathieu Zell et en vouant sa vie aux démunis, aux malades et aux exclus de toute sorte tels les condamnés à mort qu’elle ira réconforter jusque dans les villages voisins. Sa vocation est d’incarner les vertus de la chrétienté.

Tolérance et hospitalité, aide aux exclus et aux déshérités

Elle accueille au presbytère des réfugiés comme Martin Bucer et sa femme Élisabeth, bannis d’Heidelberg pour leurs convictions humanistes et luthériennes, les huguenots chassés de France par François 1er, 80 réfugiés protestants de Kinzingen, et les paysans dont les villages ont brûlé lors de la guerre des paysans en 1525.
Elle se bat courageusement pour trouver à loger et nourrir ceux qu’elle ne peut accueillir chez elle, par exemple dans les couvents désaffectés. Il est de notoriété publique que la porte des Zell est ouverte jour et nuit aux souffrants et miséreux. Le presbytère est surnommé « l’hôtellerie de la justice ».
Elle déplore la cruauté et les tortures des catholiques comme des protestants envers les dissidents anabaptistes, et bien que divergente sur leurs idées, sa compassion l’incite à rendre visite à Melchior Hoffmann, leur chef condamné à la prison à vie.

Pendant la grande peste de 1540, alors que chacun s’enferme chez soi, elle continue à rendre visite aux pauvres et aux malades, leur apportant soupes et remèdes. Elle fait aussi réquisitionner des couvents désaffectés pour héberger les orphelins de guerre ou de la peste et ouvre un internat pour les étudiants pauvres de la Haute école de Théologie Strasbourgeoise, créée en 1538.

Droit à la parole des femmes et combat pour l’amour et l’union au-delà des dogmes

Catherine milite pour l’éducation des filles car si celles-ci savent lire et écrire, elles pourront se forger elles-mêmes leur foi, et prendre leur place dans la société.

Au presbytère ont souvent lieu des discussions théologiques entre les Zell et leurs amis : Martin Bucer, Wolfgang Capiton, hommes d’Église et Jacques Sturm, magistrat de Strasbourg, qui est alors République indépendante. Le groupe sera à l’origine de l’Église réformée de Strasbourg qui se positionne entre l’Église Suisse de Zwingli et la vision de Luther.

Les trois Églises sont d’accord sur le retour aux bases de l’Évangile, sur la pratique religieuse en langue locale, sur le maintien de seulement trois sacrements : le baptême, la pénitence et l’eucharistie. Cependant Luther a une conviction de la prédestination humaine, où seuls les élus seront sauvés, quels que soient leurs actes. L’Église suisse et celle de Strasbourg, ont une plus grande dimension éthique et mettent l’accent sur les œuvres sociales, sur la responsabilité et la liberté individuelle des croyants. Elles se querellent pourtant sur la présence réelle ou symbolique du Christ dans l’Eucharistie et vont jusqu’à supprimer la messe en 1529.

Priorité à l’union et l’amour

Catherine n’hésite pas à prendre part à ces débats passionnés, mais déplore ces altercations théologiques car sa priorité reste l’amour et l’union.
Elle se révolte contre Luther qui avait soutenu la répression des paysans, elle déplore son intolérance et son manque d’ouverture d’esprit qui empêche l’unité des protestants. Elle lui écrit sans succès pour le convaincre de plus d’ouverture mais finit par le rencontrer à Wittenberg en 1538.
Pour consolider la Réforme, elle écrit une lettre ouverte aux Strasbourgeois. Elle soutient aussi Gaspard Schwenkfeld, considéré comme dissident, mais qui distribue sa solde aux pauvres et prêche la suprématie de l’amour « Pas de paix de l’âme sans la foi, mais l’amour dépasse tout et nous vaut tous les pardons ».

De nombreux écrits

Le grand cœur de Catherine était doublé d’un esprit brillant. Ses écrits font preuve d’une grande connaissance en théologie lorsqu’elle réagissait aux questions d’actualité.
Après son Apologie pour le mariage en 1513, elle écrit une lettre de consolation aux femmes chrétiennes de la communauté de Kentzingen en 1524.
En 1529, elle échange une correspondance avec Luther sur la primauté de la charité sur le dogme.

Au cours de sa vie, elle publiera de nombreux textes. Certains sont destinés aux croyants, d’autres sont plus polémiques et adressés au gouvernement religieux.
Dans toutes ses publications, Catherine veille sur le peuple et tient tête, si nécessaire, à la hiérarchie de l’Église.
Elle tient une place importante dans la vie sociale de son époque, mais préfère une action plus concrète : pour rendre la religion plus proche des gens, elle préface un livre de cantiques à fredonner partout, au travail, à la maison.

Critiquée pour ses interventions publiques mais tolérée grâce notamment à l’appui de son mari et de Jean Sturm, elle doit tout de même s’affirmer face aux conceptions sexistes de Bucé avec qui elle se dispute régulièrement.
À la mort de son mari, elle prononce un discours qu’elle réitère par deux fois lors de l’enterrement de deux femmes anabaptistes déclarées hérétiques.
Catherine Zell finit par être emportée par la maladie à 64 ans le 5 septembre 1562.

Les autorités religieuses de la ville sont prêtes à l’enterrer, à condition d’évoquer la part hérétique de sa foi. Ses amis, outrés, s’adressent alors à Conrad Hubert, ami de longue date des Zell, pour célébrer les funérailles. Hubert célèbre l’enterrement de Catherine Zell devant plus de deux cents personnes, le 6 septembre.
Malgré les critiques, elle tient bon et reste fidèle à son idéal. Ainsi, elle n’hésite pas à braver les autorités, elle recherche l’union des protestants au-delà des différences théologiques et des affrontements et se bat contre la pauvreté et l’intolérance.
Elle est la seule femme à avoir pu s’exprimer publiquement pendant 38 ans dans le contexte de tolérance strasbourgeoise. En plus de ses propres publications, une soixantaine de documents d’époque la mentionnent. Il est certain que Catherine Zell a marqué son temps.

Bibliographie
  • Catherine, rebelle de Dieu, Florent Holveck, Éditions Oberlin, 1993
  • Catherine Zell, l’héroïne de la Réforme, dans Femmes d’Alsace de Catherine Muller, Éditions place Stanislas, 2009
par Monique WEHR et Loïc YAMBILA

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