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Categories : Conte

Hassan le Cordier 

Dans notre revue n°309, de juillet  2019, nous vous avons présenté un conte persan tiré des Mille et une Nuits, Farizade au sourire de rose. En ce mois de juillet 2020, nous vous en proposons un deuxième : l’histoire de Hassan le Cordier que Schéhérazade raconta au Sultan au cours de la 868e à 873e nuit.

etresIl était une fois à Bagdad un pauvre homme qui s’appelait Hassan le Cordier. Il gagnait sa vie en tressant des cordes de chanvre et avait bien du mal à gagner de quoi nourrir sa femme et ses cinq enfants.

Deux riches habitants du quartier, qui s’appelaient Saad et Saadi, avaient l’habitude de se promener en bavardant et, ce soir-là, ils s’assirent, pour continuer plus confortablement leur conversation, sur un banc devant la boutique de Hassan. Saad prétendait que si les pauvres restaient pauvres, c’est parce qu’ils n’avaient pas une somme d’argent suffisante pour commencer mais qu’avec une somme suffisante, de l’honnêteté et du travail, ils deviendraient riches. Saadi, lui, prétendait que certaines personnes étaient faites pour être riches, sans qu’elles fassent rien pour cela. « Je vois bien, lui dit Saad, que je n’arrive pas à te convaincre mais, si je trouvais un homme pauvre, honnête et travailleur à qui je donnerais une somme d’argent, je suis sûr qu’il deviendrait riche. – C’est simple, lui répondit Saadi, l’homme pauvre, honnête et travailleur que tu cherches est ici. C’est Hassan le cordier ». Saad sortit de sa poche une bourse dans laquelle il y avait 200 dinars d’or et la donna à Hassan le cordier en lui disant : « Prends cette bourse, fais-la fructifier et tu deviendras riche ! ». Hassan, qui ne savait pas comment le remercier, embrassa le bas de la robe de Saad, selon la coutume de leur pays. Et les deux amis reprirent leur promenade.

Hassan se demandait où il pourrait bien cacher les deux cents dinars : il pourrait les enterrer dans un champ mais quelqu’un pourrait le voir faire. Finalement, il tira dix dinars qu’il mit dans sa poche et il cacha soigneusement le reste dans les plis de son turban. Ensuite, il se rendit au souk et acheta une provision de chanvre qu’il rapporta dans son atelier. Et, comme il y avait très longtemps qu’on n’avait pas mangé de viande dans sa famille, il acheta une épaule d’agneau qu’il posa sur son turban pour le transporter sur sa tête comme cela était également la coutume. Puis il prit le chemin de sa maison.
Soudain, un épervier, qui avait repéré le gigot, se précipita dessus et emporta dans ses serres le morceau de viande  et, avec lui, le turban. Les cris de Hassan ameutèrent tout le voisinage qui ajouta ses cris aux siens. Mais cela ne fit qu’accélérer la fuite de l’oiseau.
Chez lui, Hassan raconta ce qui s’était passé à sa femme, Aïcha, qui se lamenta. Quant aux voisins, qui ne croyaient pas à son histoire, ils se moquèrent de lui : « Ce n’est pas l’épaule de mouton qu’il a perdu, Hassan, avec son turban, c’est la tête ». Hassan, avec les dinars qui lui restaient, se racheta un turban et put nourrir sa famille pendant quelques jours. Puis il reprit sa vie misérable.

Quelques mois plus tard, Saad et Saadi décidèrent de passer voir Hassan pour voir s’il avait fait fortune. « Tu vas voir le changement, dit Saad, nous n’allons pas le reconnaître. – La seule différence que je vois, dit Saadi, c’est que son turban est moins crasseux que la dernière fois. Il est toujours assis, avec du chanvre attaché à son orteil, en train de tresser ses cordes. »
Hassan, honteux, expliqua ce qui s’était passé. Saad, après avoir hésité car il doutait de la véracité de son explication, décida cependant de lui faire confiance. Il sortit de sa poche une nouvelle bourse contenant 200 dinars, prêt à renouveler l’expérience, en lui recommandant de ne pas les cacher dans son turban.

Confus et reconnaissant, Hassan, se hâta de regagner son domicile. Les enfants et Aïcha étaient absents. Cherchant où mettre son argent en lieu sûr, il avisa une jarre pleine de son, oubliée dans un coin depuis des années et, après en avoir retiré dix dinars, déposa la bourse tout au fond. Puis il se rendit au souk pour acheter une provision de chanvre.
Pendant ce temps, Aïcha, qui préparait le repas, entendit un marchand de terre à décrasser les cheveux annoncer son passage. Comme elle n’en avait plus, elle l’appela. Mais alors qu’elle se demandait comment le payer, son regard tomba sur la jarre de son et elle la proposa au colporteur qui partit avec.
En rentrant, Hassan jeta un coup d’œil dans le coin où se trouvait la jarre et demanda des explications à sa femme qui lui expliqua tranquillement sa transaction. « Malheureuse ! s’écria-t-il, tu viens de donner une somme d’argent qui devait être la source de notre fortune ! » Sa femme lui reprocha de ne pas l’avoir prévenue, pleura et s’arracha les cheveux : « Je n’avais jamais vu cet homme, je n’ai aucun moyen de le retrouver ». Hassan tenta de la calmer : « Tu vas attirer les voisins, ils vont encore se moquer de moi et penser que je suis devenu fou ! Remercions plutôt le Ciel qui nous a laissé dix dinars. D’ailleurs, les riches ne meurent-ils pas comme nous ? » En tentant de la calmer, il se persuada lui-même. Et il reprit sa vie comme si de rien n’était. Une seule chose le tourmentait : comment ferait-il face à son bienfaiteur, alors que pour la deuxième fois il n’avait rien fait de ses dons ?

Lorsque Saad et Saadi se présentèrent, il fit semblant de ne pas les voir, avec une seule envie, celle de courir se cacher. Cependant, quand ils l’eurent salué, il fallut bien qu’il s’explique. Et pour se libérer le plus vite possible, avant même qu’ils aient pu l’interroger, il leur raconta sa deuxième déconvenue. « Peut-être me racontes-tu la vérité, dit Saad, mais je renonce désormais à mes expériences. »
Alors Saadi prit la parole : « Je vais à mon tour te montrer qu’il n’est pas besoin d’avoir déjà de l’argent pour devenir riche, mais que l’opportunité de le devenir peut venir autrement. » Il ramassa un morceau de plomb qui traînait dans la poussière et le donna à Hassan. « Je n’ai pas autant de richesses que Saad, aussi je te donne ce morceau de plomb qu’un pêcheur a dû perdre en rentrant ses filets ».  Saad éclata de rire, croyant à une plaisanterie. Mais Saadi reprit : « Peut-être ce morceau de plomb te sera-t-il plus utile que la belle somme d’argent que t’a donnée Saad ».
Ne voulant pas le froisser, Hassan prit le morceau de plomb, le mit dans sa ceinture et le remercia. Après le départ des deux amis, il reprit son travail. Le soir, une fois à la maison, lorsqu’il se déshabilla, le morceau de plomb tomba par terre. Il le posa au premier endroit venu et se coucha.
Le matin de très bonne heure, alors qu’il faisait encore nuit, la femme du voisin, qui était pêcheur, frappa avec insistance à la porte jusqu’à ce qu’Hassan lui ouvre. Son mari s’était aperçu qu’il lui manquait un morceau de plomb pour que son filet soit utilisable. Aucune boutique n’était ouverte et il ne pourrait sans un filet en bon état espérer rien prendre pour nourrir sa famille. Hassan retrouva à tâtons le morceau de plomb et le remit à sa femme qui le donna à la voisine. Celle-ci se confondit en remerciements et lui dit : « Tout le poisson que mon mari pêchera lors de son premier lancer de filet sera pour vous. »
Lorsque le pêcheur rentra de la pêche, il se rendit chez Hassan, déposa sur la table un poisson et s’excusa en disant : « Je n’ai trouvé que cet unique poisson dans mon filet lors de mon premier lancer mais il est plus gros et plus beau que tous ceux que j’ai pêchés ensuite. » Hassan le remercia et dit à sa femme : « Saadi avait raison. Regarde ce magnifique poisson que nous a valu un vulgaire morceau de plomb ! ». Aïcha dut couper le poisson en morceaux pour qu’il puisse loger dans sa plus grande casserole et une fois qu’il fut vidé, elle trouva dans ses entrailles une sorte de caillou. Lorsqu’elle l’eut lavé, il s’avéra être un œuf de verre transparent qu’ils donnèrent aux enfants pour jouer avec. Lorsque la nuit tomba, il brillait si fort qu’il suffisait à éclairer la pièce. « Magnifique, dit Hassan à sa femme, non seulement le morceau de plomb de Saadi nous a donné à manger mais il nous évitera d’acheter de l’huile pour nous éclairer ! ».
Le bruit de leur découverte se répandit vite dans le voisinage et le lendemain, Aïcha reçut la visite d’une des habitantes du quartier, femme d’un joaillier, l’un et l’autre connus pour leur cupidité. « J’ai comme bijou un morceau de verre à peu près semblable et j’aimerais faire la paire avec le tien. Aussi je t’en offre la somme inespérée de dix dinars. » Cependant, les enfants, comprenant qu’on voulait leur enlever leur jouet, se mirent à pleurer et supplièrent leur mère de ne pas le vendre. Aussi Aïcha refusa-t-elle l’offre de la voisine. À son retour du travail, sa femme mit Hassan au courant. « Si ce morceau de verre n’avait pas de valeur, remarqua-t-il, ces ladres ne t’auraient pas proposé cette somme. » Le soir même, la femme revint et proposa 20 dinars. « Ce n’est pas moi qui décide, dit Aïcha. Tu verras ça avec mon mari quand il rentrera. »
Le soir, la femme renouvela sa proposition à Hassan, qui refusa le marché. « Cinquante dinars ? proposa-t-elle. Hassan fit non de la tête. La femme se dirigea vers la porte puis se retourna : « Cent dinars ! Mais je ne sais pas si mon mari me permettra une dépense pareille. – Tu es loin du compte, dit Hassan. Ce morceau de verre est une merveille comme on n’en trouve pour ainsi dire jamais. Je te le cède pour cent mille dinars, pas un de plus, pas un de moins. Et je pourrais trouver d’autres joailliers qui m’en offriront davantage. – Attends d’abord que mon mari l’ait vu », dit la voisine.
Hassan fut alors définitivement convaincu que l’œuf de verre était une pierre précieuse unique en son genre, une gemme inestimable. Le joaillier arriva et, après de longs salamalecs, il demanda à voir le morceau de verre, expliquant que sa femme était enceinte, qu’il ne pouvait refuser de satisfaire ses désirs et qu’il voulait apprécier quel prix raisonnable il pourrait en offrir. Hassan enleva l’œuf à ses enfants malgré leurs protestations. Il brillait si fort que le joaillier, stupéfait, s’écria : « C’est une gemme digne d’orner la couronne du Sultan Soliman le magnifique ! » Se rendant compte qu’il s’était trahi, il s’empressa d’ajouter : « J’en ai vu d’autres semblables, quel prix raisonnable peux-tu me le vendre ? – Cent mille dinars, pas un de plus, pas un de moins. —Tu veux ma mort ! s’exclama le joaillier – Si j’avais su qu’elle valait celles qui ornent la couronne de Soliman, répartit Hassan, j’en aurais demandé bien plus. Mais c’est cent mille dinars, comme je m’y étais engagé.  C’est à prendre ou à laisser. » Et Hassan ouvrit la porte — Donne la gemme », dit alors en soupirant le joaillier, et il appela par la fenêtre un esclave qui tenait par la bride un mulet chargé de sacs.
Aïcha vida l’unique coffre que possédait la famille et qui contenait tous leurs vêtements. Et l’esclave vida dedans les sacs remplis de pièces d’or. « Puisses-tu la revendre plus cher que tu me l’as achetée », dit Hassan, en donnant la gemme au joaillier  qui se mit à rire et le quitta.

Plus riche qu’il ne l’avait jamais souhaité, Hassan remercia la Providence. Il n’oublia pas qu’il était le fils d’un pauvre cordier et ancien pauvre cordier lui-même. Aussi, après avoir bien réfléchi, il rassembla tous les cordiers de Bagdad qui vivaient dans la misère qu’il avait lui-même connue et leur proposa de lui apporter, chaque soir, les cordes qu’ils avaient tressées dans la journée ; il les leur payerait et ils auraient ainsi un revenu assuré pour nourrir leurs familles sans peur du lendemain. Lui-même continua à s’enrichir mais il n’oublia jamais de faire l’aumône à ceux qui en avaient besoin. Et il se fit construire une belle maison entourée de jardins.

Au bout de quelque temps, Saad et Saadi, désireux de savoir ce qu’était devenu le pauvre cordier qu’ils connaissaient, se rendirent dans son vieil atelier qu’ils trouvèrent fermé et abandonné. Les voisins leur apprirent qu’il n’était pas mort mais qu’il était devenu un des plus riches marchands de Bagdad. On ne l’appelait plus Hassan le cordier mais Hassan le Magnifique. Il vivait désormais dans une somptueuse demeure dont ils leur indiquèrent le chemin. Les deux amis arrivèrent devant un grand portail qui ouvrait sur de splendides jardins plantés d’orangers et de citronniers odorants, remplis de chants d’oiseaux, et où fleurissaient toutes sorte de plantes. Une allée le long duquel murmurait gaiement un ruisselet les conduisit devant une splendide demeure, où Hassan les accueillit  royalement et leur raconta toute son histoire. « Tu vois, Saad », dit simplement Saadi.
C’est alors que deux des enfants de Hassan qui jouaient dans le jardin arrivèrent avec un grand nid qu’ils avaient déniché dans un dattier. Or ce nid avait été fait dans un turban. Hassan, intrigué, l’examina de plus près et reconnut celui qui lui avait été volé par un épervier. Il déroula le turban et y trouva la bourse contenant les 190 dinars qui restaient des 200 que lui avait donnés Saad la première fois. Les deux amis n’étaient pas encore revenus de leur surprise lorsqu’un palefrenier se présenta avec un vase qu’Hassan reconnut comme celui que sa femme avait cédé au marchand de terre à décrasser les cheveux. « J’ai acheté ce vase de son au souk pour nourrir mon cheval et j’ai trouvé dedans le sac que voici. » Hassan ouvrit le sac et en sortit les 190 dinars qui restaient des 200 que lui avait donnés Saad la deuxième fois.

Les trois amis s’émerveillèrent des voies de la Providence. Et le khalife, à qui on raconta cette histoire, fit venir Hassan et lui montra le diamant trouvé dans le poisson en lui disant :
« Le jour même où tu l’as vendu au joaillier, je l’ai acheté. Il fait désormais partie de mon trésor. »

 

par M.F. TOURET
D’après la traduction du Dr. J.C. Mardrus, Le Livre des Mille et une Nuits, tome II, Bouquins, Éditions Robert Laffont, 1995

  • Le 25 juin 2020
  • Conte
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Farizade au sourire de rose

Les « Mille et Une Nuits » sont un recueil de contes arabes anonymes. « Ali-Baba et les quarante voleurs », « Aladin et la lampe merveilleuse », les aventures de « Sinbad le marin, en font partie.
Voici pourquoi on les appelle Les contes des « Mille et Une Nuits ». « Farizade, au sourire de rose » en est un.

Le roi de Perse, ayant découvert que sa femme lui était infidèle, la fit étrangler et décida d’épouser chaque jour une nouvelle femme qu’il faisait mettre à mort le lendemain matin.
Pour mettre fin à cette calamité qui entraînait la mort de toutes les jeunes filles à marier, les unes après les autres, Schéhérazade, la fille du Vizir – le Premier Ministre – voulut l’épouser, malgré les supplications de son père.
La nuit, elle raconta au roi une histoire qui le passionna mais qui n’était pas terminée quand ce fut l’heure pour lui de se lever pour aller aux affaires de son royaume. Il décida de ne la faire exécuter que le jour suivant, quand il aurait entendu la fin de l’histoire. La nuit vint, Schéhérazade termina l’histoire et en commença une autre, si passionnante elle aussi que le roi l’épargna à nouveau. Il l’écouta ainsi pendant mille et une nuits, remettant chaque jour sa mort au lendemain.
Au bout de mille et une nuits, il renonça à la tuer et ils vécurent heureux jusqu’à la fin de leurs jours.

Dans les Contes des Mille et Une Nuits, sont rassemblées toutes les histoires que Schéhérazade raconta au roi pendant mille et un nuits ! Autant dire un nombre considérable.
Au beau milieu d’un conte, on peut lire : « À ce moment de sa narration, Schéhérazade vit apparaître le matin et, discrète, se tut. Mais lorsque ce fut la huit cent soixante huitième nuit, elle dit… »

C’est au cours des 774e, 775e, 776e, 777e, 778e et 779e nuits que Schéhérazade raconta le conte :

Farizade au sourire de rose

Un jour, un roi de Perse, jeune et beau, se promenait sous un déguisement dans un quartier pauvre de sa ville. Il entendit des voix et découvrit, à travers la fente d’une porte, trois belles jeunes filles. Mais la plus jeune était encore plus belle. « Moi, disait l’aînée, je voudrais épouser le pâtissier du sultan, pour me régaler de ses gâteaux. — Moi, disait la seconde, je voudrais épouser le cuisinier du roi, pour manger des plats extraordinaires. — Moi, dit la plus jeune, je souhaiterais devenir l’épouse de notre Maître le sultan. Je lui donnerais des fils dignes de lui. Et une fille dont les cheveux seraient d’or d’un côté et d’argent de l’autre. Ses larmes, si elle pleurait, seraient des perles sur ses joues. Ses rires seraient des pièces d’or, et ses sourires des boutons de rose. »

Le lendemain, le roi fit venir les trois sœurs au palais et les maria : la première à son pâtissier, la seconde à son cuisinier. Il épousa la plus jeune et fit d’elle la reine.

Le complot des soeurs

Les deux aînées, jalouses, complotèrent contre elle. Lorsqu’elle mit au monde son premier fils, beau comme le croissant de la nouvelle lune, elles le remplacèrent par un chiot mort. Puis, elles le mirent dans une corbeille en osier dont elles se débarrassèrent dans le canal qui longeait le palais. Le courant l’entraîna et il fut recueilli par l’intendant des jardins du roi et sa femme qui se réjouirent, car ils n’avaient jamais eu d’enfant malgré leur grand désir.

Un an plus tard, la reine accoucha d’un deuxième garçon, plus beau que le précédent. Elles mirent à sa place un petit chat et l’abandonnèrent lui aussi au fil de l’eau. Elles firent subir le même sort à la petite fille qui naquit ensuite et qu’elles remplacèrent par une jeune souris aveugle.

Alors le sultan ne contint plus sa colère et son désespoir. « C’est un monstre que j’ai épousé ! » dit-il. Et il ordonna qu’on tue sa femme. Mais, pris de pitié car il l’avait aimée, il se contenta de la faire enfermer dans un réduit, tout au fond du palais, jusqu’à la fin de ses jours.
Les deux sœurs, satisfaites, engraissèrent.

Les trois enfants furent élevés et choyés par l’intendant des jardins du roi et sa femme qui étaient déjà bien vieux. Lorsque celle-ci mourut, il se retira avec ses enfants adoptifs dans un riche palais que lui donna le sultan. Il était entouré de jardins magnifiques qu’il avait dessinés lu-même, et d’un parc clos de hautes murailles et peuplé de toutes sortes d’animaux sauvages et apprivoisés.

La vie dans un palais et les beaux jardins

Après sa mort, les jeunes princes, Farid et Farouz, continuèrent à vivre dans ce merveilleux domaine avec leur sœur, Farizade. Ses cheveux étaient d’or d’un côté et d’argent de l’autre. Ses larmes étaient des perles, ses rires des pièces d’or, et ses sourires des boutons de rose. C’est pourquoi on l’appelait Farizade au sourire de rose. Elle se plaisait dans ses beaux jardins.

Un jour, elle y reçut une vieille femme qui, pour la remercier de son hospitalité, lui révéla que trois choses incomparables manquaient à son jardin pour qu’il soit unique en son espèce : Bulbul-el-Hazar, l’Oiseau-Parleur, que tous les oiseaux se rassemblent pour admirer ; L’Arbre-Chanteur, que la brise s’arrête pour écouter, et l’Eau couleur d’Or, dont une seule goutte remplit un bassin sans que jamais il déborde, et s’élève en gerbes d’or, pareille à une topaze transparente où aiment à s’abreuver l’Oiseau-Parleur et l’Arbre-Chanteur.

À l’instant, disparut le charme des jardins pour Farizade dont les larmes, figées en perles, jonchaient le sable des allées.

Le départ de Farid

À son retour de la chasse, Farid décida de partir à la recherche des trois merveilles. Il tira de sa ceinture un couteau dont le manche était orné des premières perles tombées des yeux de Farizade enfant. « Si la lame rouille ou se ternit, tu sauras que je suis prisonnier ou en grand danger. S’il en dégoutte du sang, c’est que je serai mort. »

Il chevaucha vingt jours et vingt nuits. Enfin, sous un arbre, il trouva un sage vieillard en prière. Il lui coupa barbe, moustaches et cheveux qui étaient si longs et si épais qu’on ne le comprenait pas quand il parlait. Le vieil homme reconnaissant lui déconseilla une entreprise si périlleuse que nul n’en était jamais revenu. Mais, devant son obstination, il tira de son sac une boule de granit rouge. « Jette-la devant toi. Elle te conduira là où tu veux aller. Mais qui te protègera contre ceux de l’Invisible qui sont des milliers ? Surtout, en aucun cas ne regarde derrière toi. »

La boule de granit rouge s’arrêta au pied d’une montagne. Le prince y attacha son cheval et commença à gravir la pente. Autour de lui, le sol était couvert de blocs de basalte noir : c’était le corps des jeunes gens qui l’avaient précédé. Des cris sauvages, qui n’avaient rien d’humain, éclatèrent. C’était les voix de ceux de l’Invisible qui se moquaient de lui, l’injuriaient et le menaçaient. Il sentit le souffle de l’une d’elles, plus effrayante encore que les autres, tout contre lui dans son dos. Terrifié, il se retourna. À l’instant même, il fut changé en pierre de basalte noir.

Le départ de Farouz

Lorsque Farizade tira le couteau de sa poche, la lame était terne et rouillée. Malgré ses supplications, Farouz partit aussitôt à la recherche de son frère et des trois merveilles. Il remit à sa sœur un chapelet fait de perles : c’était les secondes larmes de Farizade enfant. « Si elles se collent les unes aux autres, c’est que j’aurai subi le même sort que mon frère. »

La boule de granit rouge du vieillard le conduisit au pied de la montagne. Il était parvenu au milieu de son ascension, résistant aux voix, sans répondre aux injures ni aux menaces. Mais lorsqu’il entendit crier derrière lui : « Mon frère ! Mon frère ! » Ne fuis pas devant moi ! » il oublia tout et se retourna. Les grains du chapelet se collèrent les uns aux autres dans la main de Farizade.

Le départ de Farizade

Elle partit à son tour. Comme ses frères, elle rencontra le vieux sage qui lui dit qu’elle ne pourrait délivrer ses frères qu’après s’être rendue maîtresse des trois merveilles. « Comme tu es poussée, lui dit-il, par l’amour de tes frères et non par le désir de conquérir l’impossible, l’impossible sera ton esclave. » Il tira un flocon de laine de sa ceinture et en mit une moitié dans chacune des oreilles de Farizade.

Après avoir suivi la boule de granit rouge, elle gravit la montagne, n’entendant grâce au flocon de laine qu’un bourdonnement confus qui ne la gênait pas. Au sommet, elle vit devant elle une cage d’or sur un socle d’or. Et, dedans, l’Oiseau-Parleur. Elle mit la main sur la cage : « Oiseau ! je te tiens ! tu ne m’échapperas pas ! » Et elle ôta de ses oreilles le flocon de laine. Toutes les voix s’étaient tues, et l’Oiseau-Parleur chanta et dit à Farizade qu’il était son esclave.

Il lui indiqua où trouver l’Arbre-Chanteur, sur l’autre versant de la montagne, si grand que son ombre aurait pu couvrir une armée. Elle entendit son chant, plus beau que celui de la brise et du luth et cueillit un de ses rameaux.

Sur les conseils toujours de l’Oiseau-Parleur, elle se tourna vers l’ouest : là derrière un rocher de turquoise, elle vit sourdre un ruisselet pareil à de l’or en fusion. Dans un creux de la roche était posé un vase en cristal. Elle le remplit d’Eau d’Or, puis, la cage dans une main, le rameau chantant dans l’autre, et le vase sur l’épaule, elle redescendit le sentier, versant sur chaque bloc de basalte noir une goutte d’Eau d’Or. Et la pierre se transformait en homme. Elle délivra ainsi tous ceux qui avaient été pétrifiés et retrouva ses frères.

Le retour de Farizade

À leur retour, le vieillard qui avait appris à Farizade à ne pas prêter l’oreille aux voix qui empêchent de gravir la montagne et à rester sereine en toutes circonstances, avait disparu.

De retour à la maison, Farizade installa la cage de l’Oiseau-Parleur dans le jardin. Aussitôt accoururent toutes les espèces d’oiseaux qui accompagnèrent son chant.

Elle versa une goutte de l’Eau d’Or dans un grand bassin d’albâtre où elle mirait ses cheveux qui étaient d’or d’un côté et d’argent de l’autre. Et aussitôt la goutte foisonna et s’éleva en gerbes étincelantes.

Elle planta le rameau de l’Arbre-Chanteur qui devint, en quelques instants, un arbre immense et se mit à chanter de ses mille bouches invisibles un chant plus beau que celui de la brise et du luth.

Farizade au sourire de rose et ses deux frères vécurent heureux.

Le dénouement

Un jour, au cours d’une chasse, ceux-ci chevauchaient sur un étroit sentier lorsqu’ils croisèrent le sultan qui chassait aussi. Frappé de la beauté et de la noblesse de ces jeunes gens inconnus, il voulut aller chez eux.

Prévenue par Farid, qui avait pris les devants, et sur les conseils de l’Oiseau-Parleur, Farizade mit un voile devant son visage et prépara des concombres farcis de perles. Lorsque le roi arriva, émerveillé de sa visite du jardin, elle les lui servit. Il s’étonna. Alors l’Oiseau-Parleur prit la parole : « Tu as bien cru que les enfants d’une sultane pouvaient être changés en animaux ! Pourquoi t’étonner qu’un concombre puisse être farci de perles ? Rappelle-toi ; “Je lui donnerai des fils dignes de lui. Et une fille dont les cheveux seront d’or d’un côté et d’argent de l’autre. Ses larmes, si elle pleure, seront des perles, ses rires des pièces d’or et ses sourires des boutons de rose.” »

Le chagrin se réveilla dans le cœur du roi qui se mit à sangloter, la tête dans les mains. Alors, Farizade, sur l’ordre de l’oiseau, ôta son voile. Son père la reconnut, ainsi que ses frères. Ils s’empressèrent d’aller délivrer la pauvre reine dans son cachot.

Le jour même, les deux sœurs moururent de rage.
Et ils vécurent ensemble, heureux jusqu’à la fin de leurs jours.

À lire
Les Mille et une nuits, 3 tomes
Présenté par Antoine GALLAND, sous la direction de Jean-Paul SERMAIN
Éditions Garnier Flammarion, 2004, 454 pages, 540 pages et 455 pages
Par Marie-Françoise TOURET

  • Le 28 juin 2019
  • Conte
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Plus forts que le Diable !

Le paysan rencontra le diable

Nombreux sont les contes qui mettent en scène le diable berné par de braves gens. Comment un personnage aussi puissant et terrifiant peut-il être aussi facile à tromper ? C’est que, dans les contes, s’il est richissime, le diable est aussi stupide, comme l’indique son nom lui-même.
Diable vient de deux mots grecs et signifie « celui qui désunit ». Incapable de faire des liens, le diable ne voit pas plus loin que le bout de son nez.

Voici deux contes qui illustrent cela.

Le paysan rencontra le diable

Le paysan rencontre le diable.

 

Le paysan et le diable

Un paysan, de bon matin, se rendait à son champ lorsqu’une odeur de fumée attira son attention. Il pressa le pas et aperçut un tas de braises incandescentes auprès duquel s’activait une silhouette sombre. C’était le diable, tout vêtu de noir, qui attisait le feu.
« Que fais-tu dans mon champ ? dit le paysan.
– Je garde un trésor, répondit le diable. Plus de pièces d’or et de pierres précieuses que tu n’en as jamais vues. Enterrées là-dessous, continua-t- il en tisonnant les braises de son pied fourchu.
– Et moi, je dois préparer mes semailles, dit le paysan. Va-t’en d’ici.
– Pas question, dit le diable. Ce trésor est à moi.

Le paysan plissa les yeux et fixa le diable :
– Le trésor est à toi et le champ est à moi.
– Faisons un marché, dit le diable. Je renoncerai au trésor si tu me donnes, pendant deux ans, la moitié de ta récolte.
– Tope-là, dit le paysan. Et pour qu’on soit bien d’accord, quelle partie de la récolte préfères-tu ? Celle qui est sous terre ou celle qui est au-dessus ?
– Celle qui est au-dessus, bien sûr, dit le diable. Je viendrai chercher ma part à la saison. »
Le pacte conclu, le diable s’en fut et le paysan ensemença son champ.

Lorsque le temps fut venu, le diable revint chercher sa part. Mais le paysan avait semé des carottes et le diable dut se contenter des fanes.
Furieux d’avoir été dupé, il dit au paysan : « L’année prochaine, c’est moi qui aurait ce que est dessous et toi ce qui est dessus.
– Pas de problème, » dit le paysan.

Et il sema du blé. Lorsque le diable revint chercher sa part, il vit ondoyer les beaux épis sous le soleil. Le paysan moissonna son champ et le diable, qui n’y comprenait rien, dut se contenter du chaume. Il comprit qu’il n’était pas de taille à affronter le petit paysan et s’en fut, renfrogné et grommelant.

Le paysan récolta son blé et déterra le trésor.

D’après un conte de Grimm

La botte du diable

Un jeune seigneur, après la mort de son père, dilapida tout son bien.
« Refais ta fortune d’ici un an, lui dit le père de la jeune châtelaine qu’il aimait ; à cette condition, tu pourras l’épouser. »
Le jeune homme fit de son mieux mais personne n’avait plus confiance en lui et, la veille du jour où l’année touchait à sa fin, il n’avait pas un sou en poche. « Il faudrait le diable pour me sortir de là ! » s’écria-t-il au désespoir. Aussitôt une odeur de soufre se répandit dans l’air et  un homme vêtu de rouge, avec des pieds de cheval, parut devant lui.
« Me voici, dit le diable. Tout l’or du monde est fabriqué chez moi. Il est à ta disposition : il suffit que tu me donnes ton âme quand tu mourras.
— Reviens demain », répondit le jeune homme qui pensait qu’il aimerait bien avoir l’or du diable et ne pas perdre son âme. Il passa la nuit à percer les planchers de la haute tour qui dominait son château. Tout en haut, il suspendit une botte dont il avait troué la semelle.

Le diable revint le lendemain avec l'or.

Le diable revint le lendemain avec l’or.

Le diable revint le lendemain, suivi d’une file de diablotins, portant chacun un sac d’or. « Si, en une heure, lui proposa le jeune homme, tu peux remplir d’or cette botte, je te donnerai mon âme. Sinon, je garde ton or et mon âme.
— Tope-là », dit le diable.
Au bout d’une heure, la botte n’était toujours pas remplie et le diable, tempêtant et jurant, dut vider les lieux. Avec l’or dont elle était pleine, le jeune homme reconstruisit la tour, plus belle qu’avant. Il épousa sa dame et y vécut avec elle.

D’après un conte du Dauphiné.
Par Marie-Françoise TOURET

 

À lire

Ils vécurent philosophes et firent beaucoup d’heureux
par Marianne CHAILLAN
Éditions des Équateurs, 2017, 217 pages, 13,50 €

Une initiation originale à la philosophie par les contes, les dessins animés de Disney. L’auteur, professeur de philosophie, nous fait découvrir la sagesse qui s’y cache. Un ouvrage enrichissant à déguster sans modération.

 

Le manteau de magnificence
Par Jacqueline KELEN
Éditions Le Relié, 2016, 126 pages,14 €

Une Dame, un chevalier errant, un chien aux yeux bleus. Il s’agit d’un conte dans la plus pure tradition médiévale du Songe. Tous les personnages sont portés par un désir plus grand qu’eux, la Quête mystique, l’Amour, métaphore du divin, le dépassement de soi et l’abandon à un principe supérieur. Rencontres, attentes, douleurs, tout s’enchaîne et s’entremêle même à travers les époques.

 

  • Le 26 juin 2018
  • Conte
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